Ben Harper: donne, donne, donne

Intense et spirituel, Ben Harper aura encore fait vibrer le Métropolis. Photo d'archives-Olivier Jean

Ben Harper est un type généreux. Bien sûr, le titre de son plus récent album, Give Till it’s Gone, est révélateur. Mais ça ne date pas d’hier. En spectacle, Ben en donne toujours plus. Même trop, parfois.

Par Philippe Rezzonico

Ce fut encore le cas, mardi, avec son projet Relentless7, lors de son retour à Montréal, ville qu’il définit comme sa résidence loin de chez lui. Ceux qui suivent sa carrière depuis son premier passage au Spectrum de Montréal – quand il s’était perdu en ville avant le show – le savent bien. Un autre Métropolis bien tassé, donc.

Et ceux qui s’attendaient à un show pépère en ont été pour leurs frais. Flanqué d’un trio de musiciens dont la tâche principale semblait être de décaper le vernis des planches, Harper a tiré à profusion des notes abrasives de ses guitares.

C’est particulièrement vrai quand il s’escrime assis, armé de sa slide qui a été partie prenante de tous ses spectacles depuis ses débuts. Number With No Name était sale, presque crasseuse, avant de se terminer avec un solo suraigu de son guitariste, Jason Mozersky. Faded semblait sortie de la besace d’un George Thorogood, un soir qu’il a besoin de sortir le méchant. Et on parle ici de titres qui peuvent être étirés selon l’inspiration du moment.

Solides chansons

Ben sait quand même que les gens viennent le voir aussi pour entendre des chansons. Après que le guitariste d’exception nous ait passé dans le tordeur durant plus d’une demi-heure, il remet son talent d’auteur-compositeur à l’avant-plan. Le doublé formé de la nouvelle Rock N’ Roll is Free (super titre pop) et son classique Diamonds On the Inside, a sérieusement fait mouche.

Voulant profiter de l’intimité d’une salle comme le Métropolis, par opposition à sa performance de l’été 2009 sur la grande Place des festivals, Ben nous offre aussi un trio du genre minimaliste. Livraison d’une chanson inédite nommé Masterpice – dont la ligne de guitare a des affinités avec BlackBird, de McCartney -, puis enchaînement avec She’s Only Happy In the Sun et Suzie Blue, cette dernière ayant eu droit à un faux départ.

Mais comme il y avait de gros tapis sur la scène sous les pieds des musiciens, ce petit ratage a donné l’impression à bien des gens que nous étions avec Ben, dans son salon. Généreux, on vous le dit.

Etirer la sauce

Sauf que l’on a quand même des réserves à subir un solo de batterie de Jordan Richardson d’une durée de 12 minutes ! Et ça, c’est pour avoir droit aussitôt à un solo de basse (excellent, de Jesse Ingalls) puis de guitare. Au final, Lay There & Hate Me a effacé une demi-heure au compteur… C’est là que Ben, à vouloir tout donner, se veut excessif. Idem au début du rappel quand il glisse sur son manche de sa guitare en quête d’exploration durant de très longues minutes avant d’enchaîner avec la déchirante Pleasure and Pain.

En revanche, on note que Ben fait bien de piger dans d’autres catalogues que le sien. Mardi, on a eu droit à un bout de Jeremy, de Pearl Jam (sympathique) ; a une version intégrale de Ohio, de Neil Young (puissante) – qui n’est pas un « hometown boy », il est né à Toronto -, et à une relecture fa-bu-leu-se de Where Could I Go But To The Lord.

Là, placé au devant des micros, sans amplification, Harper, artiste à l’âme spirituelle s’il en est un, a fait réduire ses musiciens au minimum, pour nous offrir deux couplets presque a cappella du classique gospel, dans ce Métropolis transformé en église pour un instant. Mémorable.

La communion avec la foule était telle qu’à l’ultime rappel, Ben a proposé une autre chanson inédite, You’re Better That I Deserve. Il a appris le refrain à la foule, a lancé la chanson, l’a conclue, et là… la foule a reprise le refrain à son compte, sous les lumières blanches, lors des applaudissements de tombée de rideau. Il falloir voir la tête de Ben, proprement renversé de cette réaction, qui a finalement battu la mesure dans une finale frénétique.

Oui, Harper en donne toujours plus que le client en demande. Mais mardi, c’est lui qui a quitté les planches ne se disant que le public lui en avait donné autant en retour.

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