Bilan disques 2011 (1) : la francophonie à l’épreuve du temps

Galaxie et son Tigre et Diesel sur les planches. Photo Coup de coeur/Jean-François Leblanc.

Repus de dinde, de foie gras, de farce et de canard ? Cerveau encore embrumé par les excès d’alcool ? Pas grave. C’est la semaine du Boxing Day et vous allez pouvoir balayer tout ça en vous livrant à notre sport national favori : faire des emplettes.

Par Philippe Rezzonico

Moment idéal, donc, pour dresser des listes d’albums chéris de 2011. Je suis à la traîne, dites-vous ? Au contraire. Cette semaine, vous allez probablement pouvoir acheter des albums entiers à un coût inférieur au prix de cinq ou six chansons unitaires sur iTunes. Rabais, donc, en ces temps économiques difficiles.

Et puis, la beauté de la musique immortalisée sur un quelconque support, c’est qu’on peut en profiter des années durant. Les meilleurs albums possèdent d’ailleurs cette caractéristique. Ils passent l’épreuve du temps.

1 – Galaxie, Tigre et Diesel (C4) : Olivier Langevin, il met toujours du tigre dans son moteur. Ici, le diesel, ce sont les nuances et la coloration qui font que ce qui pourrait être uniquement un disque brut ravageur s’ouvre à des horizons plus larges sans perdre sa force de frappe, comme on l’a constaté sur scène. Pour dresser ce genre de palmarès, on scrute, soupèse, analyse et dissèque pour boucler le classement. Mais pour la première place, un seul critère devrait toujours prévaloir: quel disque a-t-on écouté le plus souvent ? C’est lui.

2 – Philippe B, Variations fantômes (Bonsound) : Il arrive un moment où un jeune auteur-compositeur nous livre un disque qui trace une ligne entre l’avant et l’après. Pour Philippe B, c’est celui-ci. Bordé aux confins des univers classiques et folk, Variations fantômes est un bijou d’équilibre musical qui possède un charme universel qui pourra plaire aux fans du guitariste de Pierre Lapointe mais aussi à un public bien plus large. Magnifique.

3 – Catherine Major, Le désert des solitudes (Spectra) : Comme pour Philippe B, ce troisième disque de Catherine Major vient de marquer une rupture entre son passé et son présent. D’autant plus vrai que son présent, ce sont les gens qui ont composé et travaillé avec elle sur ce disque (mère, conjoint, amis proches). Poétique et sensible dans le propos, émotif et touchant au plan de l’instrumentation, ce désert-là ne nous laisse jamais seuls.

4 – Pierre Lapointe, Pierre Lapointe seul au piano (Audiogram) : Histoire de montrer que toutes ses chansons – même les plus chargées sur ses disques studios – ont autant sinon plus d’impact à leur plus simple expression, Pierre Lapointe est revenu à l’essentiel : un homme et son piano. Tout est dit.

5 – Thomas Fersen, Je suis au Paradis (Tôt ou tard) : Dans le temps, c’était Bucéphale, ses papillons, sa chauve-souris ou son chat botté. Là, c’est Dracula, Félix le centenaire, son balafré, ou Sandra, le fantôme sans drap. Le paysage animalier s’est transformé, mais Fersen reste et demeure une référence quand vient le temps de marier chanson francophone et personnages singuliers. Et ça fait deux décennies que ça dure.

6 – Cœur de Pirate, Blonde (Dare To Care) : Avouons. On l’attendait dans le détour, la belle Béatrice. C’est le lot de tous les artistes qui, l’espace d’un album, deviennent des vedettes internationales en quelques mois. Sauf que c’est elle qui rigole, aujourd’hui. Chansons mieux construites que sur son premier album éponyme, mélodies imparables, textes personnels touchants et diction très améliorée. Il n’y aura pas de guigne du deuxième album…

7 – Richard Séguin, Appalaches (Audiogram) :  Comme c’est le cas depuis des lustres, les compositions du roi Richard vont entre espoir et colère, oscillent entre constat et dénonciations, le tout, nappé d’une production sobre et organique, qui nous rappelle d’où il vient et de quoi il se chauffe. Seul signe que le temps passe, les hommages Pauline Julien, Marie-Claire Blais et Michèle Lalonde.

8 – Malajube, La Caverne (Dare To Care) : Moins décapant que le précédent Labyrinthes et plus aéré au plan sonore, ce disque a – presque – eu mauvaise presse à sa sortie, comme si Malajube devait avoir constamment le pied au plancher. Plusieurs mois plus tard, on réalise que les boys ont vu juste. On peut être moins cru que naguère et faire des chansons plus concises sans aucunement y laisser sa personnalité.

9 – Eric Goulet, Volume 1 (Nomade) : On voit plein d’artistes épouser le country du bout des lèvres. Comprendre, y mettre quelques effluves, juste pour faire tendance. Eric, il plonge dans la marmite. Chaque fois que j’écoute ce disque qui étreint totalement la nature mélodique et chaleureuse de cette musique parfois snobée je me dis que Willie Lamothe n’aurait pas renié cet album. Authentique jusqu’à la fibre.

10 – Salomé Leclerc, Salomé Leclerc (Audiogram) : On a tellement vu souvent Salomé Leclerc sur scène avant la naissance de ce premier album, qu’on y retrouve ce qu’on aime chez elle quand on la voit sur les planches : le moment présent, ce timbre particulier et une certaine zone d’ombre qui n’est pas dénudée d’un réel talent de mélodiste.