Le moment magique du spectacle de Coldplay est survenu dans la section 101 du Centre Bell, alors que Chris Martin et ses collègues amorçaient Us Against The World sur une petite scène de fortune installée au milieu de la section 116, histoire de baigner littéralement dans cette foule qui buvait les paroles de toutes les chansons des Anglais.
Par Philippe Rezzonico
A ce moment, le jeune homme aux cheveux en brosse et à la carrure athlétique placé dans la section 101, rangée I, siège 13, a sorti de sa poche une bague sertie d’une perle et a demandé en fiançailles la jolie rousse tatouée à côté de lui. Évidemment, elle a dit oui en pleurant de joie. La jeune femme rayonnait de bonheur comme à peu près tout le monde dans l’amphithéâtre du Canadien. Et elle avait droit des effets de lumières spectaculaires et à des milliers de confettis pour célébrer son union…
Bien sûr, tout au plus une douzaine de personnes – incluant toute la rangée de journalistes installés dans la rangée J de la section 101 – a pu apprécier ce moment de bonheur immaculé. Qu’à cela ne tienne, les milliers d’autres fans de Coldplay qui remplissaient le Centre Bell à ras bord auront plein d’images gravées à jamais dans leur mémoire.
Bracelets électroniques intelligents, confettis multicolores, lasers, ballons gonflables ronds et en forme de cœur : Coldplay aura offert l’un des plus spectaculaires enrobages visuels jamais vu par le chroniqueur en 27 ans de métier.

Chris Martin sait toucher les gens, même dans un spectacle doté d'une production imposante. Photo Alain Décarie.
Ce n’est pas d’hier que les spectateurs se font remettre des gadgets visant à projeter une quelconque forme de lumière durant un spectacle, mais rien n’arrive à la cheville de l’effet provoqué par ces bracelets nec plus ultra.
Dès la deuxième chanson (Hurts Like Heaven), les bidules se sont allumés simultanément, provoquant une clameur de l’assistance comme on ne l’entend pas souvent. Bleu, vert, rouge, jaune, blanc, rose… Le spectre de couleurs était saisissant. Bien mieux, les bracelets pouvaient clignoter selon le tempo de la chanson retenue ou alterner leur fréquence selon leur couleur. Immense valeur ajoutée à cette prestation dont l’impact le plus évident fut durant la furieuse Charlie Brown et Every Teardrop Is a Waterfall, à l’ultime rappel.
Impact percutant
D’ordinaire, de tels effets spéciaux sont gardés pour la dernière demi-heure d’une performance. Pas avec Coldplay. Situation identique pour les confettis, que l’on conserve d’ordinaire pour la toute dernière chanson. Jeudi, ce fut dès la troisième, durant le classique In My Place. Martin s’est élancé sur la passerelle qui menait à la scène centrale en forme de X et il a incité la foule à chanter le refrain au moment où une dizaine de canons ont propulsé des milliers de confettis en suspension. Percutant !
On souligne aussi la présence des ballons ronds – une trentaine – qui se sont retrouvés au parterre durant Lovers In Japan et les autres éléments gonflables en forme de cœur qui sont apparus dans les couloir d’accès à la patinoire du Centre Bell durant Don’t Let It Break Your Heart. Comme le faisait remarquer avec justesse le collègue Claude Côté, de Radio-Canada, on se serait cru à un show des Flaming Lips.
Malgré toute sa quincaillerie, Coldplay demeure capable de créer une relation intime avec son public, gracieuseté de ses ballades amoureuses. Dès que Martin s’installe au piano pour lancer les premières notes de tubes comme The Scientist ou Fix You, le temps semble s’arrêter pour les fans et il n’est pas rare de voir des tas de couples se bécoter comme si nous étions soudainement dans un petit club plongé dans le noir.
Martin, le meneur de jeu
En mode amant romantique ou rockeur déjanté – fallait le voir faire des bonds qui rivalisent avec ceux des Olympiens inscrits au saut en hauteur à Londres -, Martin a tout donné, même si on aurait aimé une balance de son supérieure pour entendre sa voix durant les chansons rythmées. Remarquez, c’est un détail relatif quand des milliers de spectateurs interprètent tous les refrains à l’unisson.
Mention particulière à Yellow, que Martin a dédié aux victimes de la tuerie au Colorado, et à Viva la Vida, qui a fait exploser l’enceinte sous le roulement des tambours de Will Champion au point que Martin, couché sur la scène, faisait semblant de ne pas pouvoir se relever quand les spectateurs hurlaient les « Wo-oh-oh-oh ! d’usage avec une puissance et une ferveur remarquables.

Vous voulez savoir l'ambiance qui attend les spectateurs, vendredi, au spectacle de Coldplay. Regardez ceux derrière Chris Martin, jeudi soir. C'est ça. Photo Alain Décarie.
Évidemment, il y a eu également l’obligatoire passage sur la scène centrale qui n’était toutefois pas acoustique. Du lot, c’est Princess of China, avec une Rihanna pré-enregistrée qui apparaît sur les écrans circulaires géants suspendus au plafond, qui a provoqué le plus d’effet, quoique moins que Paradise, interprétée sur la grande scène, qui fut un moment particulièrement prisé du public. Moins vrai pour moi…
Globalement, j’aime mieux les compositions de Viva la Vida que celles de Mylo Xyloto. Et comme pas moins de neuf des 21 chansons proposées provenaient du nouveau disque, je me dis que si ce spectacle n’avait pas été aussi formidablement mis en scène que celui-là, l’intérêt n’aurait pas été le même.
Mais intérêt il y eu. Et plaisir coupable. Et même bonheur, par moments. C’était d’ailleurs partagé par Martin et ses potes. Quand les membres de Coldplay ont savouré leur énième salve d’applaudissement en clôture, Martin s’est mis à genoux et il a embrassé la scène. Je me dis que le petit couple nouvellement uni a dû adorer ce geste…