Il a grandi au sein du Allman Brothers Band pour en devenir membre un membre officiel dans la vingtaine, il a enregistré et joué avec Clapton, partagé la scène avec Buddy Guy et Santana, mis sur pied son propre groupe et il en a créé un autre avec son épouse. À 34 ans, le guitariste Derek Trucks a déjà une feuille de route digne des plus grands.
Par Philippe Rezzonico
Trucks sera de retour à Montréal lundi soir (Métropolis) avec le Tedeschi Trucks Band, ce groupe de 11 musiciens qui porte son nom et celui de son épouse, Susan Tedeschi. Au menu, une fusion de guitares et de cuivres qui baignent dans une sauce bluesée.
Joint à Vancouver la semaine dernière, au tout début de cette tournée canadienne qui le mène au Québec, Trucks admet que le passage du Derek Trucks Band (en opération depuis les années 1990) au Tedsechi Trucks Band depuis 2010 lui apporte encore plus de plaisir chaque jour.
On se dit pourtant que l’espace de manœuvre pour un guitariste de son talent est plus évident au sein d’un groupe d’une demi-douzaine de musiciens que d’un autre en ayant près du double.
« C’est étonnamment malléable, assure Trucks, en parlant du Tedeschi Trucks Band. On a constaté une évolution depuis le tout début, bien sûr, mais sur le fond, le principe demeure le même que lorsque tu joues au sein d’un plus petit groupe : tu veux que tout le monde réagisse en même temps.
« Tu veux que le groupe soit une unité soudée, que la section rythmique puisse fonctionner à plein régime avec synchronisme, que tous les cuivres explosent en même temps, que la cohésion y soit, etc. Personnellement, ça ne change pas grand-chose à mes solos.
« L’important, c’est que la vision du groupe soit claire sur ce que nous voulons offrir. Cela dit, je te dirais que je ne voudrais pas revenir en arrière. Quand tu as goûté au plaisir de jouer avec un groupe dont les possibilités musicales sont les nôtres, tu ne veux plus revenir dans le passé. Quand j’entends la section de cuivres pétarader… Wow! C’est trop bon.
« En toute objectivité, le plus gros problème avec un groupe de cette envergure, c’est de franchir les douanes (rires). Mais comme nous sommes tous entrés sans problème au Canada et que nous passons d’une province à l’autre lors des prochains jours, tout va bien. »
En scène dès l’enfance
Les groupes imposants, Trucks connaît ça. L’Américain, qui a commencé à jouer de la guitare à 9 ans, a grandi au sein du Allman Brothers Band, dont son oncle Butch est l’un des membres fondateurs. Prodige de la guitare « slide », Trucks a participé à sa première tournée avec le ABB à l’âge de 13 ans. S’il forme le Derek Trucks Band en 1996, il ne cesse de jouer à titre de guitariste invité au sein du groupe sudiste et il devient membre officiel en 1999, l’année de ses 20 ans.
« Ce fut une école exceptionnelle, tant au plan musical que de la vie familiale. Et cela m’a aussi permis de voir le monde à un très jeune âge. »
Le talent de Trucks était tel que tous les grands voulaient jouer avec lui. Eric Clapton l’a invité à venir enregistrer avec lui et Trucks a participé au festival Crossraods de Clapton en 2007, l’un des moments qu’il chérit le plus.
En 2008, le DTB faisait la première partie de la tournée de Santana. Ceux qui étaient au Centre Bell le 15 avril de cette année-là se souviendront que Trucks était également venu partager la scène avec Carlos durant son spectacle.
« Il n’y avait rien de planifié là-dedans se souvient Trucks. Je ne jouais pas systématiquement chaque soir avec lui. D’ordinaire, il avait une idée dans l’après-midi. Il venait me voir et me disait : « Hé, on devrait faire ça ce soir. » Et on le faisait. Je n’ai pas à me plaindre. Les grands de ce monde ont toujours été d’une remarquable gentillesse avec moi. »
– Serait-ce parce qu’ils sentent le respect plus qu’évident que vous avez pour eux et pour la musique en général?
« Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que je n’ai jamais voulu être un feu de paille et être comme certains musiciens qui ont connu des débuts de carrières spectaculaires et qui sont rapidement retombés dans l’oubli. J’ai été bien entouré à mes débuts et j’ai eu de bons professeurs. Maintenant, je veux que ça dure. C’est ce que je m’efforce de faire avec mon groupe et ça n’a pas changé depuis que nous avons formé le TTB avec mon épouse. »
Une affaire de famille
Susan Tedeschi était déjà une artiste reconnue dans le monde du blues 1990. Je me souviens de l’avoir vu en première partie de John Mellencamp, au Madison Square Garden, en 2000. Trucks la connaissait aussi depuis belle lurette quand ils se sont mariés en 2001. Ça aura finalement pris près de dix ans avant qu’ils forment un groupe commun, ce qui n’est pas si courant.
« Ne fais pas ça », m’ont dit des tas d’amis et de collègues quand j’ai évoqué l’idée qu’on forme un groupe ensemble (rires). Mais depuis le temps que nous sommes mariés, je n’avais aucune crainte. Et Susan apporte quelque chose d’essentiel à ce groupe. C’est toute une chanteuse. »
La formation du TTB a aussi changé un aspect fondamental de la création pour Trucks. Ce band familial créé ses propres compositions. Et à ses yeux, ça fait toute la différence au monde.
« Au début, tu apprends la base, les classiques, les standards et tu peaufines ça sur scène. Mais à un moment donné, il faut que tu fasses ta propre marque. Nous pourrions jouer des classiques tous les soirs. Nous pourrions ne faire que ça. Et on serait bien bons. Mais veux-tu que ce soit ça, ton héritage?
« J’ai eu le bonheur de jouer avec les créateurs de certains des titres que je préfère. Et je pense que c’est ça la mission de ce groupe : atteindre un niveau supérieur en laissant notre marque avec nos compositions. »
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Tedeschi Trucks Band, le lundi 18 novembre au Métropolis.