FIJM 2015: Bad Plus Joshua Redman, la Terre de feu

Iverson, Redman, Anderson et King: le feu. Photo courtoisie FIJM/Denis Alix

Devant un public prêt à se laisser conquérir, quatre musiciens s’installent, en ce dimanche soir pluvieux, un à côté de l’autre, en symétrie presque parfaite, sur la scène de la salle Maisonneuve de la Place des Arts.

Par François Vézina

Côté cour, David King est prêt à faire exploser ses peaux et ses cymbales. Côté jardin, Ethan Iverson contemple son clavier. Entre eux: Joshua Redman a porté son embouchure à ses lèvres et Reid Anderson a levé sa contrebasse.

Tous en ligne droite, sauf Anderson, très légèrement en retrait. Cette simple mais belle idée scénique place cette réunion au sommet entre Bad Plus et le saxophoniste sous le signe de l’égalité des musiciens, de leur parfaite intégration.

Non, devant nous, ce n’est pas un trio enrichi d’un grand musicien ou un grand musicien accompagné par une puissante formation. Non, devant nous, comme l’a déjà admirablement démontré, ce Bad Plus Joshua Redman, encore tout chaud sur les tablettes des disquaires, non devant nous, dis-je, voici un quatuor quasi inédit prêt à servir une maîtresse exigeante: la musique.

Pour leurs retrouvailles – Bad Plus avait déjà invité Redman à partager la scène du Blue Note de New York en 2011 -, le quatuor offre un programme axé principalement sur cet album qu’il vient d’enregistrer. Une exception: Big Eater, une pièce enregistrée en 2002 pour l’album These Are the Vistas.

Et dès Beauty Has it Hard, présentée en lever de rideau, la salle est conquise. La symbiose entre le jeu ardent du saxophoniste et la puissance tellurique de Bad Plus se révèle riche d’idées. Ainsi, Redman s’empare, non seulement des idées harmoniques développées par Iverson, mais aussi des motifs rythmiques de King pour se lancer dans de grandes envolées au charme jamais démenti.

Ethan Iverson et Joshua Redman. Photo courtoisie FIJM/Denis Alix

Cette rencontre entre ces bons musiciens se place autant sous le signe de l’introspection (subjuguante Lack of Faith but not in the Wine, bouleversante Silence is the Question en guise d’apothéose finale) que de l’exubérance (enlevante Country Seat, éclatante As This Moment Slips Away).

Les envolées lyriques de Redman et d’Iverson sont magnifiquement mises en lumière par les mitrailles de King. Anderson stabilise l’ensemble de puissantes lignes de contrebasse, un rôle certes ingrat, mais fort honorable.

Faisant preuve d’une grande cohésion, les musiciens demeurent fidèles à eux-mêmes. Par exemple, le jeu des membres du trio demeure éblouissant comme la foudre, triomphant comme le tonnerre. Sur scène, ce jeu gagne même en intensité, le groupe ne comptant plus sur des effets de studio pour maintenir sa puissance tonitruante.

Joshua Redman et Bad Plus partageant la même scène ? L’idée, au départ, dois-je l’avouer, ne me convainquait pas outre mesure. Était-ce un de ces spectacles qui ne ravissent en bout de compte que les producteurs de festival ? Mes craintes n’étaient pas fondées car elles faisaient fi des formidables dons de communicateurs que se partagent les quatre musiciens. Le courant passe entre eux. Plus important encore: il se transmet sans résistance entre la scène et la salle. Joshua Redman a conquis la terre; Bad Plus a maîtrisé le feu.