En cette journée de l’indépendance américaine, il était normal d’aller applaudir des représentants du pays de l’Oncle Sam. Ça tombait bien, il y en avait tout plein dans les salles au Festival de jazz.
Par Philippe Rezzonico
De fait, deux programmes doubles : Lyle Lovett et Chris Isaac à la salle Wilfrid-Pelletier, ainsi que Bettye Lavette et Wanda Jackson au Métropolis. Au menu : folk, country, pop, soul et rockabilly.
On arrête donc à Wilfrid-Pelletier dès 19h30 pour assister au programme de Lyle Lovett, que je n’avais pas vu à Montréal depuis un passage dans cette même salle en… 1995. Comme le temps passe.
Le temps, pourtant, ne semble pas avoir de prise sur Lovett. Même taille longiligne que jadis, même voix au timbre si particulier, même touche parfaite à la guitare et même humour pince-sans-rire. Et avec une arrivée sur scène dans le noir le plus complet, afin que l’on découvre son formidable groupe en bivouac, l’impact était décuplé.
Avec violon, guitare, ukulélé, contrebasse et batterie, Lovett peut reprendre à son compte ses chansons ainsi que des classiques et de les ramener dans le terroir américain comme si elles en étaient extraites, ce qui est le cas de la plupart d’entre elles. La relecture de Release Me, associée à Englebert Humperdinck, n’était pas loin d’être stupéfiante. Elle revenait à ses sources premières, la chanson ayant été composée en 1946.
Quand il interprète Here I Am ou Isn’t That So, Lovett incarne à la fois l’amoureux maladroit et invisible dans la foule et celui qui désire que le cœur, avant tout, guide nos pas. Il est simultanément fragile et surdoué à la fois, tellement il est convaincant. Du bonbon.
Impériale Bettye
Après avoir pris 50 minutes de ce programme impeccable, j’ai dû faire impasse sur Chris Isaac – vu il y a quelques mois au théâtre St-Denis – pour ne pas rater le rendez-vous avec Bettye Lavette… que j’avais justement raté lors de son précédent passage.
À 67 ans, celle qui a 50 ans de métier et une taille d’adolescente, possède une voix à faire frémir dans le plus profond des entrailles. Selon ses standards vocaux, le Métropolis est une toute petite salle, tellement sa voix a su remplir l’espace, du parterre jusqu’au balcon.
Comme elle ironise, celle qui termine une tournée de neuf ans nommée « Qui diable est cette fille ? » peut vous chanter son premier succès pimpant de 1962 (My Man – He’s a Lovin’ Man) comme s’il avait été enregistré la semaine dernière, ou s’approprier Love Reign O’er Me comme si elle était Roger Daltrey.
On tombe à la reverse quand elle chante Crazy et quand elle interprète Your Turn To Cry, alors que nos tripes se nouent : la soul la plus pure qui soit! Rivés à ses lèvres, étions-nous. Un tour de chant qui fut également un tour de force.
60 ans de carrière
Wanda Jackson a enregistré sa première chanson en 1954, il y a tout près de 60 ans. Oubliée depuis des lustres, elle était venue à Montréal une première fois en 2004, durant le Rockabilly Jam, au sous-sol de l’église Immaculée-Conception.
Depuis qu’elle est redevenue une vedette grand public (grâce à la collaboration de Jack White pour l’album The Party Ain’t Over), c’est au FIJM qu’elle se produit. Après l’Astral et le Club Soda, le Métropolis a pu faire écho aux Let’s Have a Party, Mean Mean Man et autres Fujiyama Mama qui ont fait sa renommée.

Wanda Jackson, avec The Lustre Kings, de passage à l’Astral il y a deux ans. Photo d’archives/Annik MH De Carufel
Toujours flanquée du groupe The Lustre Kings, elle a également salué ses contemporains : The Coasters – du temps qu’ils se nommaient The Robins (Riot in the Cell Block no. 9), Johnny Kidd and the Pirates (Shakin’ All Over) et son ami Elvis (Heartbreak Hotel), sans qui elle n’aurait jamais pris le virage rockabilly.
À 75 ans, Wanda parle un peu plus qu’avant, mais on ne se lasse pas de l’entendre parler d’Elvis. Vous connaissez quelqu’un qui a connu Elvis, vous?
Elle chante un peu moins de titres et, parfois, elle est hésitante avec ses nouvelles chansons (I’m Tore Down, It’s All Over Now, la reprise des Stones). Mais elle a toujours ce « grrrrowllll » distinctif dans la voix et ses livraisons de I Gotta Know, Rock Me Baby ou Funnel of Love n’ont pas pris une ride.
Le problème, c’est que la configuration tables et chaises qui était idéale pour Bettye ne convenait pas du tout à Wanda. Dieu que l’on était loin de la folie vécue au Club Soda il y a deux ans quand le « party » a vraiment levé.
Vu la forme de Madame Jackson, un autre passage à Montréal est très envisageable. On la ramène à ses racines dans un sous-sol d’église (celui du Gesù), où tout le monde pourrait se lever d’un bloc en raison de l’intimité de la salle? Ça, ça serait une fichue de bonne idée.