
Fleetwood Mac 1975 ou 2015: John McVie, Stevie Nicks, Lindsey Buckingham, Mick Fleetwood et Christine McVie. Photo promotionnelle.
Après deux heures bien sonnées, le géant Mick Fleetwood est revenu sur scène les bras tendus vers le ciel sous une ovation montre. Puis, il a accueilli John McVie qui a repris sa place, immuable, à droite de la batterie. Christine McVie a suivi, embrassant son pendentif tout en pointant vers Mick. Grosse réaction de la foule. Et enfin, Lindsey Buckingham et Stevie Nicks, tels les amants qu’ils étaient il y a 40 ans, sont revenus sous les applaudissements nourris.
Par Philippe Rezzonico
Pour une toute première fois, Montréal accueillait jeudi soir la cuvée intégrale de 1975 de Fleetwood Mac. Et ils étaient visiblement aussi heureux que les quelque 12 000 spectateurs. Christine qui fait la bise à Stevie et Lindsey, les accolades, les sourires complices… Dire qu’ils voulaient tous s’arracher la tête en 1977, lors de la création de Rumours.
Le retour de Christine McVie, souligné plusieurs fois sur scène, après plus de 18 ans d’absence, n’est pas que symbolique. Certes, au plan musical, sa présence est moins essentielle que celle de Nicks, l’éternelle romantique figure de proue. Et même que celle de Buckingham, le mentor dynamo à la guitare; et de Fleetwood, l’âme encore et toujours jeune de ce groupe où tous les membres ont l’âge légal de la retraite.
Sauf que la présence de McVie, au plan vocal, a permis de dépoussiérer des classiques pas ou peu joués depuis deux décennies, de ramener à l’avant-plan des chansons où elle est la principale interprète, restaurant ainsi la complémentarité des harmonies avec Nicks et Buckingham.
Il fallait entendre les classiques de nouveau interprétés en trio. On retrouvait des harmonies oubliées et une puissance évocatrice renouvelée, comme lorsque Rivard, Bertrand et Desrosiers chantent les immortelles de Beau Dommage. Comme lorsque tous les membres des Beach Boys sont réunis. Divin.
Personnellement, j’ai pris un plaisir fou à savourer des chansons jamais entendues sur scène. Celles qui appartiennent avant tout à Christine McVie.
Bonheur, que de sourire à l’écoute de You Make Loving Fun, quand Christine et Stevie se lancent des regards complices. Volupté, que de s’envelopper de la mélodie vaporeuse de Everywhere. Frissons dans les reins, que d’entendre – enfin – Say You Love Me et Little Lies sur les planches. Toutes des chansons qui ne faisaient pas partie du show de Fleetwood Mac à Montréal en 2009, ni à Ottawa en 2013, quand le spectacle de Montréal a été annulé faute de vente de billets.
En 2009, j’écrivais que Fleetwood Mac, sans Christine McVie, était devenu un peu beaucoup le véhicule de Nicks et de Buckingham. Ce n’est plus vrai. Avec trois interprètes aux avant-postes l’équilibre est ainsi rétabli et McVie, en dépit de ses 71 ans, est encore capable d’interpréter les immortelles avec soin, même si le grain de sa voix n’est plus exactement le même.
Ce qui n’a pas empêché de savourer la maestria de Buckingham, l’homme qui joue toujours de la guitare sans pic, lors de l’interprétation d’une Big Love acoustique mais mordante. Nicks est toujours aussi envoutante lors de Gold Dust Woman, drapée dans son châle d’or et baignant dans la lumière jaune.
On est charmé par le duo Nicks/Buckingham pour une Landslide magnifique et Don’t Stop, Rihannon (quelle version!) et Go Your Own Way sont toujours les grands chevaux de bataille.
Je me suis longtemps demandé la raison de la présence d’un deuxième claviériste, d’un deuxième guitariste et d’un deuxième batteur, presque caché derrière Fleetwood, comme si Christine, Lindsey et Mick n’allaient pas suffire à la tâche, l’âge venant. Je peux vous dire que de l’angle où j’étais assis, le deuxième batteur n’a pas joué plus de dix minutes.
Après deux heures et demie de prestation durant lesquelles nous avons eu droit à 11 des 12 chansons de Rumours et plus de la moitié (6) des 11 titres de Fleetwood Mac (1975), quoi de mieux, pour conclure, que la présence d’un vrai piano à l’avant-scène où Christine McVie, flanquée de Buckingham à la guitare, nous interprète Songbird. Magique.
Mick Fleetwood l’a noté : le « songbird » est de retour. Et le Fleetwood Mac de 2015, cheveux blancs et rides en sus, ressemble drôlement à la bande de jeunes rêveurs de 1975.