Francos, jour 1 : rock carré, carrés rouges, flotte, manif et casseroles

Mathias Malzieu, de Dionysos, porté par la foule. Photo courtoisie FrancoFolies/Victor Diaz Lamich.

C’était un soir de première où, paradoxe, on ne savait trop ce qui allait se passer, mais où tout pouvait se produire. Ce fut exactement ça. Le grand spectacle d’ouverture des 24es FrancoFolies de Montréal aura duré cinq heures et tenu ses promesses sur la scène….et dans la rue.

Par Philippe Rezzonico

Rock devait être Pierre Lapointe. Rock il fut. Flanqué de sa bande habituelle qui comprend notamment Philippe B., Philippe Brault, Josiane Hébert et Guido Del Fabbro, la tête d’affiche de ce rendez-vous extérieur a revisité comme rarement son catalogue, lui insufflant une forte dose de vitamines.

Avec un beat lourd et des claviers grinçants, Dans la forêt des mal-aimés semblait abriter une garnison en campagne. Le Columbarium avait un tempo plus galopant que naguère, tandis que Qu’en est-il de la chance ? avait droit à une ligne de guitare de Philippe B qui semblait se prendre pour Dick Dale.

Ce fut néanmoins avec les chansons les plus épurées à la source que certaines transformations de rythme, de structure et de couleur étaient les plus frappantes. Tous les visages était presque méconnaissable et n’avait plus rien de sa douceur lugubre d’antan. Presque violente sous cette forme.

Au suivant, que Lapointe avait déjà servie enrobée d’un phrasé mordant lors de l’hommage à Brel au Festival Montréal en lumière en février, était cette fois enveloppée d’une musique d’une pulsion hachurée. Dans ce festival de tubes de Lapointe où Le bar des suicidés et 2 X 2 rassemblés se sont terminées sous la pluie battante qui a perduré durant presque une heure et demie, on a même eu droit à des raretés, comme Le Maquis, gravée uniquement sur le vinyle de 2 X 2 rassemblés.

Pierre Lapointe en mode rock, comme jamais vu. Photo courtoisie FrancoFolies/Victor Diaz Lamich.

Remarquez, Lapointe n’avait guère le choix de présenter cette facture rock. Avant lui, Les Revenants ont livré leur rock de garage mâtiné de country blues et de swing avec un certain bonheur, mais la tâche était un peu ingrate à 18 heures, alors que le soleil brillait encore.

La donne a changé avec l’arrivée de Dionysos, groupe français explosif dont on se rappelait la tenue dans le légendaire Spectrum. Le groupe de Mathias Malzieu a conservé sa touche de scène. Peu importe s’il chante en français ou en anglais, c’est Malzieu qui fait le spectacle…ainsi que les irréductibles du groupe – une centaine de fans purs et durs massés au milieu de la rue Sainte-Catherine – qui dansent sur des pas chorégraphiés.

Ça déménage, surtout quand Malzieu descend de la grande scène pour une deuxième fois afin d’aller surfer sur la foule, cette fois, jusqu’à l’enclos des caméras, près de 100 mètres plus loin. Et aller-retour, en plus!

Porté, couché et même juché sur la foule, Malzieu aura offert le premier grand moment de folie de ces Francos 2012. Mais ses deux guitaristes ont eu droit à leur part d’applaudissements, quand ils ont délaissé leurs guitares pour battre la mesure avec des casseroles.

Daran, la main sur le coeur. Photo courtoisie FrancoFolies/Victor Diaz Lamich.

Daran a enchaîné avec le set béton qu’on a déjà vu deux fois depuis un an: guitares et voix en avant. Cœur sur la main. Il était sur le point de terminer sa prestation quand environ 300 manifestants sont arrivés de l’esplanade de la PdA, très peu vêtus, et munis de leurs casseroles.

Le Français désormais citoyen du Québec concluait sa dernière chanson et n’a même pas du percevoir le bruit des casseroles. Bilan: trois cents manifestants, une vingtaine de policiers à leur traîne, et aucun incident dans la foule.

Masse rouge

Pourtant, il y en avait des carrés rouges dans cette «masse singulière» que Pierre Lapointe – qui le portait lui-même – a souvent harangué et incité «à baiser avec nous!». Des milliers. Et on les entendaient rugir dès que Lapointe s’adressait directement à eux.

«Merci d’être là malgré la pluie, les carrés rouges ! » « On lâche pas. Faut dire qui on est et qu’on en a assez.»

Finalement, la cohabitation entre les artistes, la foule, les manifestants et la police s’est déroulée sans heurts sur le site des FrancoFolies en ce jour un, ce qui ne fut pas le cas dans Griffintown et sur la rue Crescent, comme quiconque ayant un téléphone intelligent le savait sur le site.

En fait, la seule emmerde, hormis la pluie, ce fut le bruit des hélicoptères qui tournoient autour du centre-ville. Jeudi, comme le spectacle était de facture rock, ça allait.

Mais, à défaut d’itinéraire, les artistes qui se produiront à l’extérieur durant les prochains jours devraient peut-être donner à l’avance leur sélection de chansons prévues en soirée à qui de droit, histoire que les hélicos aillent tournoyer ailleurs quand les musiciens livreront des ballades.