Gabi Hartmann et Violent Femmes: nouvelles et anciennes découvertes

Violent Femmes à la PdA/Photo Benoit Rousseau/Courtoisie FIJM

Durant la première semaine d’activités du Festival international de jazz de Montréal, par trois fois, Stéphane Drolet, émérite représentant de Sony Music pour le Québec, m’a rappelé par courriel, texto et de vive voix : «Tu dois aller voir Gabi Hartmann, vendredi.»

Par Philippe Rezzonico

En plus de trois décennies de fréquentation, je n’ai pas vu souvent ce pilier de l’industrie musicale montréalaise se tromper, rayon jugement. Et, depuis le temps, il connaît mes goûts… Donc, vendredi, j’étais assis dans le toujours frigorifique Gesù dès 18 heures pour assister à la prestation de la Française aux racines multiples qui se produisait chez nous pour une troisième année de suite après La Casa del Popolo (2023) et le Studio TD (FIJM, 2024).

Il ne faut qu’un instant pour comprendre pourquoi les Québécois sont tombés sous le charme de la chanteuse, quand elle interprète d’entrée de jeu a cappella Lullaby, une berceuse bilingue qui permet de mesurer la douceur et le grain de sa voix : aucune enflure sonore.

Durant plus d’une heure, la chanteuse a proposé des chansons de son premier disque de 2023 (Gabi Hartmann) et celles de son nouveau (La femme aux yeux de sel) qui vient tout juste de paraître.

Gabi Hartmann/Photo Mickael Hemy/Courtoisie FIJM

Ses chansons sont offertes en français et en anglais – parfois, simultanément -, d’autres, en portugais. Ce saute-mouton linguistique confère une aura internationale à son récital qui navigue entre pop, jazz et musique world. Difficile d’être plus rassembleuse que lors de cette interprétation irrésistible de Into My World durant laquelle tout le monde claquait des doigts.

Son jazz pop frais ne l’empêche pas nous offrir un archi-classique comme Mélodie d’amour (Henri Salvador), mais dans une mouture ensoleillée et dansante, presque moderne.

Excellente recommandation, en définitive.

La tornade Violent femmes

Un quart d’heure plus tard, nous étions dans la grande Wilfrid-Pelletier qui demeure un lieu quand même atypique pour les Américains de Violent Femmes, groupe alternatif par excellence qui a plus de quatre décennies de millage en provenance de Milwaukee.

L’annonce enregistrée du percussionniste John Sparrow a annoncé la couleur.

«Bonsoir. Nous allons interpréter l’album Hallowed Ground, nous allons prendre une pause, puis, nous allons interpréter notre premier disque. Vous allez tellement aimer ça, qu’on va vous faire un rappel.»

Gordon Gano et John Sparrow/Photo Benoit Rousseau/FIJM

Donc, une première partie formée exclusivement et en séquence des chansons de Hallowed Ground (1984), puis, le légendaire disque de 1983 (Violent Femmes) entendu chez un copain pour la première fois cette année-là et dont Blister in the Sun joue depuis lors à CHOM FM. Étonnamment, je n’avais jamais vu le groupe sur les planches. C’était une sacrée bonne soirée pour combler cette lacune.

Le groupe, qui comprend toujours les membres fondateurs Gordon Gano (voix, guitares) et Brian Ritchie (basse), s’est pointé sur scène vêtu d’un t-shirt représentant le disque de 1984 et ils ont déchiré d’entrée de jeu avec Country Death Song.

Avec une instrumentation éclectique au possible (guitares, basse, banjo, vibraphone, accordéon, trompette, trombone, saxophone, frottoir) et l’apport de Sparrow qui martyrise sa caisse claire avec ses balais ou ses baguettes, quand il ne frappe pas sur son «barbecue», le son de Violent Femmes oscille tantôt entre le folk rapiécé, le country de garage, le rock alternatif, le free jazz ou celui une bande de musiciens rassemblés pour une spéciale du Ranch à Willie sur l’acide, attitude punk comprise.

Photo Benoit Rousseau/FIJM

I Hear the Rain fut explosive, Never Tell nous a fait entendre un solo digne d’une scie à chaîne, Jesus Walking On Water a été reprise en chœur par les spectateurs et Black Girls fut une débauche percussive nappée de cuivres. Un premier 45 minutes qui a nous a jeté sur le cul.

Après la pause, cette fois, nous étions tous debout pour entonner Blister in the Sun et hurler l’incontournable «Let me go out/like a blister in the sun!»

Je n’ai pas vu grand-monde se rassoir durant cette deuxième partie durant laquelle Kiss Off a été ponctuée de «Yeah! Yeah!» bien sentis et où, de loin, Add It Up, a été le clou de la soirée avec une version Crash! Boum! Bang!, cela dit, sans rien enlever à l’exceptionnelle Gone Daddy Gone.

Au rappel, Life is an Adventure, demande spéciale de Kevin Hearn, des Barenaked Ladies, qui fait la tournée avec Violent Femmes, a ouvert le bal. Il s’agit de la chanson préférée de Hearn du groupe américain et comme il célébrait son anniversaire la veille (3 juillet)…

Photo Benoit Rousseau/FIJM

Gano nous a aussi impressionné en chantant en français Danse avec moi, ce qu’il a admis qu’il ne devrait pas refaire de sitôt. La dynamique I Held Her in My Arms a conclu l’affaire, du moins croyons-nous.

L’ovation était à ce point assourdissante à Wilfrid-Pelletier que le groupe est revenu.

«Ça fait longtemps que l’on n’a pas fait un deuxième rappel», a souligné Gano qui a encore une excellente voix.

Ça donnait une idée du plaisir partagé autant sur scène que dans la foule. Gimme the Car – demande hurlée par un spectateur plus tôt dans le concert -, dans une finale cacophonique au possible, a bouclé ce concert mémorable, décapant, abrasif et jouissif au possible.

En quittant, j’ai dit à ma voisine de siège qui a chanté les paroles de presque toutes les paroles : «Ce n’était pas triste».

Elle m’a répondu : «C’était malade! J’avais 15 ans! (en 1983)»

C’était pas mal le sentiment général.

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