Grammy 2014 : tout ça pour ça?

« Danger! Danger! » Quand j’étais en culottes courtes à la fin des années 1960, les robots ressemblaient à celui de Perdus dans l’espace et les Beatles remportaient des trophées Grammy. Quelque 45 ans plus tard, les robots Made In France raflent les trophées et ont rend hommage – fort mal – aux Beatles. Mesurez le chemin parcouru.

Par Philippe Rezzonico

Daft Punk, avec cinq statuettes incluant l’album par excellence (Random Access Memories), Macklemore et Ryan Lewis, avec quatre, et Lorde, avec le prestigieux Grammy remis à la chanson par excellence (Royals) ont été les grands gagnants de la remise 2014 des trophées Grammy. Vous pouvez consultez la liste complète des gagnants sur le site des Grammy Awards.

Que doit-on en retenir? Qu’un duo français qui œuvre dans la musique électronique, un rappeur blanc ouvert à la cause homosexuelle (Same Love) et une adolescente Néo-Zélandaise aient fait la barbe à tous les Jay-Z (le monsieur avait neuf nominations) et Drake de la terre (il en avait cinq) est plutôt sympathique. Bienfaisant éclectisme.

De toute façon, sauf lors de raz-de-marée comme ceux d’Adele et d’Amy Winehouse, on se souvient bien peu de l’identité des gagnants. En revanche, les performances marquent l’imaginaire.

L’incendie de Daft Punk

Sur ce plan, nul doute que la prestation commune de Daft Punk, Pharrell Williams, Nile Rodgers et Stevie Wonder pour une Get Lucky sautillante et groovy à souhait restera dans les mémoires. Quand tu vois Beyoncé, Paul MaCartney, Katy Perry, Bruno Mars, Steven Tyler et Ringo Starr danser comme des ados, tu sais que le collectif a fait mouche.

http://www.youtube.com/watch?v=o00pgGRvXnU

Mais ce fut l’un des rarissimes moments d’unanimité dans ce gala, avec celui de la bande de hors-la-loi formée de Willie Nelson, Kris Kristofferson, Merle Haggard et Blake Shelton. Pour sa part, Lorde a su être intense pour Royals. C’est lors des remerciements que c’était moins solide. L’émotion, probablement.

Metallica et le pianiste Lang Lang qui interprètent One, de …And Justice For All, a eu le mérite d’être téméraire à défaut d’être totalement concluant. Un A pour l’effort. Pink, qui survole le Staples Center dans son numéro du tissu aérien, ça demeure spectaculaire et c’est du taillé sur mesure pour la retransmission télé. Mais c’est du déjà-vu.

Beyoncé en ouverture avec son mari de Jay-Z pour Drunk In Love, c’est du gros calibre, mais disons que madame a largement éclipsé son conjoint et qu’on a connu des numéros d’ouverture plus percutants. NIN et QOTSA l’ont été, percutants, mais même avec Dave Grohl et Lindsey Buckingham en renfort, ça ressemblait à une collaboration forcée. Et, de toutes façons, en toute fin du gala – et écourtée par une publicité en plus – ce n’était pas logé au bon endroit.

Et on ne s’éternisera pas sur les perfos de Talyor Swift, Katy Perry et celle de Madonna en finale du mariage des 34 couples hétéros, gais et interraciaux célébrés sur la musique de Same Love, de Macklenmore & Ryan Lewis. Madge peut se mettre tout le botox au monde dans le visage, avec sa voix faiblarde durant Open Your Heart et sa canne, elle avait l’air d’une petite vieille.

Incidemment, Tina Fey et Amy Poehler à la place de LL Cool J, ça serait une bonne idée, il me semble.

Et on en arrive aux vraies de vraies bourdes….

Magnifique, ce duo entre Sara Bareilles et Carole King, qui partagent Brave, l’excellente chanson de Bareilles. Mais alors que King été honorée du prix MusiCares, ça aurait été sympathique de partager You’ve Got A Friend, non?

Et que dire de « l’hommage » aux Beatles? Au moins, Paul McCartney a bien partagé la scène avec Ringo pour Quennie Eye, une bonne nouvelle chanson de Macca. Et on a eu Ringo en prime, chantant – pas trop bien – sa Photograph, avec des images du passé des Beatles sur les écrans.

Mais quelqu’un peut-il m’expliquer comment il se fait qu’alors que l’Amérique souligne le 50e anniversaire du débarquement des Beatles, les deux Beatles toujours présents n’ont pas chanté une chanson des Beatles? On a même cru un instant que Paul et Ringo n’allaient pas chanter ensemble, la performance de MaCartney étant annoncé avec un « invité spécial »? C’est quoi ce bordel?!

Ce n’est pas comme si Macca et Ringo ne jouaient jamais de chansons des Beatles dans leurs shows respectifs. Alors pourquoi? Come on,les boys! Vous n’aviez qu’à interpréter l’une des cinq chansons livrées le 9 février 1964 lors de votre premier passage au Ed Sullivan Show. Fausse représentation.

Et que dire que l’absence d’un hommage à Lou Reed. Tous les ans, des grands nous quittent et on ne peut proposer un numéro musical pour tous, il est vrai, mais si Phil Everly méritait le sien (où était Norah Jones?), Reed en méritait un, lui aussi.

Bref, pour un gala qui aura duré plus de trois heures et demie, nous aurons eu… 30 minutes de réel plaisir?

Finalement, c’est le robot de Perdus dans l’espace qui avait raison quand il criait « Danger ! » On nous a vendu, comme à tous les ans, ce gala comme la neuvième merveille du monde et il n’aura même pas eu le mérite d’être tout simplement bon.