Heavy Montréal (jour 1) : Après Marilyn Manson, le déluge!

Marilyn Manson s'est présenté à Montréal et n'a pas déçu. Photo courtoisie evenko-Tim Snow

Marilyn Manson s’est présenté à Montréal et n’a pas déçu. Photo courtoisie evenko-Tim Snow

« Après moi, le déluge! », déclarait souvent le roi Louis XV au 18e siècle, modifiant quelque peu les mots de sa maîtresse, Madame de Pompadour (« Après nous, le déluge »). Après Marilyn Manson, le déluge, pourrait-on dire ce matin, au lendemain de la première journée du festival Heavy Montréal en 2018. Comme quoi, d’un siècle à un autre, rien ne se perd, rien ne se crée.

Par Philippe Rezzonico

Remarquez que la présence de Manson était loin d’être acquise, samedi, quelques jours après son forfait pour cause maladie à Toronto. Viendra? Viendra pas? La question était récurrente sur le site de l’Île Notre-Dame, décidément bien trop grand pour ce festival.

Pourtant, à 19h15 tapant, devant la scène Heavy, les amateurs entendent la voix de Manson. Enregistrée, mais quand même. Bon signe. Sauf que deux minutes plus tard, on se met à réentendre autre chose. Aie, aie… Finalement, cinq minutes plus tard, on reprend le même manège et à 19h25, Manson arrive en entonnant : « We love hate! We hate love », de Irresponsible Hate Anthem. La catastrophe était évitée pour les organisateurs.

Cela dit, Manson n’avait pas l’air dans son assiette. Entre chaque chanson, on se demandait s’il en allait avoir une autre, tant l’artiste se traînait sur scène. Dans les faits, il a interprété deux chansons en étant accroupi, une à genoux et une autre sur le dos. Dans une perspective de scène, ça donnait du relief, mais je ne sais trop si c’était voulu… ou nécessaire.

N’empêche, le Marilyn qui ne fait plus aussi peur qu’il y a 20 ans, il n’a pas été chiche, rayons succès : Angel with the Scabbed Wings et This is the New Shit ont été chantées par des milliers de personnes. Il fallait voir les jeunes femmes qui vendaient les verres de « shooters » danser, debout sur leurs glacières.

Dans les faits, plus ça allait, plus Manson se portait mieux, changeant de costume (veste noire, chapeau melon, veston rouge, manteaux de plumes, etc.). Il a quand même noté qu’il « était malade, mais que l’on ne peut guérir une grippe mentale… » en se pointant la tête.

Des titres comme mOBSCENE, The Dope Show et la reprise de Sweet Dreams, des Eurythmics se sont avérés fédérateurs au grand air, même si ce ne fut pas le délire. Mais on a senti un réel frisson avec Kill4Me et un autre, plus important, quand Manson a pris place sur sa tribune pour haranguer la foule avec Antichrist Superstar.

Photo courtoisie evenko-Tim Snow

Photo courtoisie evenko-Tim Snow

Il était en train de hurler « Repent! (repends-toi) » en pointant le ciel, quand la première – grosse – goutte de pluie m’est tombé dessus. La goutte a fait place à plusieurs autres, comme si un être – vraiment divin – voulait laver les pêchés de Manson. En deux minutes, la pluie s’est mue en orage et des milliers d’amateurs ont alors tenté de se protéger. En vain.

Puis, l’orage foudroyant a déversé des trombes d’eau à la verticale, comme si un robinet géant venait de s’ouvrir au-dessus de nous. A quoi bon courir? Tout le monde allait être trempé comme s’il avait plongé dans une piscine de toutes façons.

C’est probablement ce que c’est dit Manson en enchaînant Beautiful People et sa rythmique d’enfer dans ce chaos climatique. Lunettes trempées – je ne voyais plus la scène, sinon les lumières rouges -, la vue autour de moi était apocalyptique : des milliers de fans hurlant et brandissant le poing comme si c’était l’apocalypse.

Dans dix ans, c’est tout ce dont on se rappellera. Le moment où Dieu et le Diable, ensemble, ont voulu noyer Marilyn Manson et ses fidèles.

Peine perdue.

La journée avant le déluge

Les six heures précédant cet orage aussi monstrueux que bref (20 minutes?) se sont déroulées sous un soleil de plomb et une chaleur étouffante. Bilan à l’unité inversément chronologique.

Napalm Death

Ce qu’il y a de fascinant avec le chanteur de Napalm Death Mark Andrew Greenway, mieux connu sous le prénom de Barney, c’est que s’il s’habillait en veston et cravate, il aurait l’air de votre courtier d’assurance.

Mais dès qu’il est sur scène avec un micro en mains, sa voix de transforme en cri guttural extrême et il sautille sur scène comme un dégénéré. Et c’est positivement génial, chaque fois. D’autant plus que Napalm Death n’est pas incendiaire qu’avec sa musique.

Napalm Death... était en feu. Photo courtoisie evenko-Pierre Bourgault

Napalm Death… était en feu. Photo courtoisie evenko-Pierre Bourgault

Groupe à conscience sociale, les Britanniques tirent sur les riches (Multinational Corporations), dénoncent l’uniformité de notre monde (Standardization), les religions (Suffer the Children) et les fascistes en reprenant l’un des brûlots des Dead Kennedys (Nazi Punks Fuck Off). Un set formidable offert par un groupe possédé à souhait.

Witchcraft

Pour un type dans mon genre, Witchcraft n’est pas un nom de groupe, mais le titre d’une chanson popularisée par Frank Sinatra et interprétée par Elvis Presley avec ce dernier en 1960. Mais le band a aussi été l’un de ceux qui a été le plus défavorisé par sa case horaire et, surtout, la localisation de la scène de la forêt.

C’est chouette les initiatives comme le Heavy Mania (une arène de lutte) dans ce genre de festival. Mais d’installer ladite scène à 60 pieds de l’autre quand un animateur de foule hurle comme à la télé au moment où Withcraft tente d’installer son univers, ça n’a pas de sens.

Le chanteur l’a remarqué, lui aussi. Après la deuxième chanson, il a noté, avec ironie : « Laissez-moi vous présenter Heavy Mania. Il se passe des choses sérieusement importantes… » Dans le fond, il suffit que les lutteurs luttent quand il n’y a pas de groupe qui se produit à côté, non? C’est ce qui s’est produit deux heures plus tard, au moment où Napalm Death a pris place sur la même scène. Les lutteurs n’ont commencé qu’après leur set.

Cela dit, si Withcraft fait du Heavy Métal, moi, je suis le Père Noël. En 30 minutes, j’ai repéré pas mal toutes les influences hard rock du tournant des années 1960 et 1970, Led Zeppelin bien en tête. Mais on est prêt à accorder une oreille plus attentive dans de meilleures conditions d’écoute.

Baroness

Peu importe le type de sous-genre de métal qui désigne la musique de Baroness (ici, sludge), cela demeure un réel plaisir d’entendre les harmonies partagées entre John Baizley et Gina Gleason, arrivée l’an dernier au sein du band. Métal harmonique et harmonieux, serais-je tenté de dire.

Baroness dans le feu de l'action. Photo courtoisie evenko-Pat Beaudry

Baroness dans le feu de l’action. Photo courtoisie evenko-Pat Beaudry

Et puis, des groupes de métal dont la guitariste (lead) est une femme, ça ne court pas les rues. L’Américaine a d’ailleurs fait partie de la production de Las Vegas Michael Jackson: One pour le Cirque du Soleil ces dernières années. Mais à en juger par le perpétuel sourire qui a illuminé son visage, il n’y a aucun doute qu’elle a trouvé son bonheur.

The Black Dahlia Murder

Dire que le groupe a été « meurtrier » dans ses salves sonores ne serait pas une exagération. Il y avait quelque chose de frénétique par moments, tant sur la scène qu’au parterre de terre et de gravier.

La foule dense a hurlé « Hey! Hey! Hey! » plus d’une centaine de fois lors d’une prestation de 45 minutes. Il faut dire que le chanteur n’a pas ménagé ses encouragements auprès des amateurs pour qu’ils lâchent leur fou. Un partage très, très réussi.

Lee Aaron

Il est toujours sympathique de voir une vedette acclamée par une foule qui comprend des festivaliers qui n’étaient pas nés quand elle était à son sommet. C’était le cas de Lee Aaron en début de journée, même si la chanteuse a conservé son allure de jeunesse.

Lee Aaron. Photo courtoisie evenko-Pat Beaudry

Lee Aaron. Photo courtoisie evenko-Pat Beaudry

On peut en dire autant de sa voix : nouvelle chanson comme I Am a Woman ou classique comme Whatcha Do To My Body, aucune différence. En fait, une différence quand même. Les chansons d’antan étaient interprétées avec le concours de la foule avec un réel plaisir.