Il y avait quelques rentrées, jeudi, dans cette belle grande métropole québécoise qu’est Montréal. Et on peut vous assurer que celle de Jimmy Hunt au National a été pas mal plus réussie que celle du Canadien au Centre Bell.
Par Philippe Rezzonico
Rentrée est un terme un peu exagéré dans le cas du grand Jimmy, puisqu’il s’était déjà produit à Montréal depuis la parution de son disque éponyme qui lui vaut des nominations aux galas de l’ADISQ et du GAMIQ. Mais comme le spectacle avait droit à un apport visuel particulier (comme l’été dernier aux Francos) et qu’il servait de tremplin en vue du lancement d’un nouveau « 7 pouces » dans deux semaines, il y avait une certaine notion d’événement.
Hunt, bien appuyé par un groupe solide, a scindé sa performance en deux blocs : pop folk en première moitié, pop rock dans la seconde. Sa guitare sèche avait la part du lion dans le premier segment, lorsque l’harmonica colorait presque toutes les offrandes. La six cordes branchée dans l’ampli, les claviers et les violons électriques ont eu le dessus par la suite.
Hunt navigue bien dans les deux modes, quoique sa nonchalance naturelle, son « slack », comme il le précise, sied mieux à son volet acoustique. Quand il siffle durant Annabelle, on a l’impression d’entendre du Dubois ou du Valiquette des années 1970. Quand son harmonica se faire entendre durant Pont de glace, on pense immédiatement aux Dylan des sixties ou à Séguin, première période. Mais quand il nous balance Ca va de soi et Si j’avais su, on réalise que l’auteur-compositeur-interprète a un ADN mélodique bien à lui.
Rythmé quand il le faut
Lorsque les guitares sont plus mordantes et que le volume est à la hausse, Hunt se titre bien d’affaires. Les vagues repose sur un tempo galopant, Les Tontons macoutes est charpentée sur un tambour lourd, tandis que Nos corps, avec son beat soutenu, et Au-dessus du monde, avec son crescendo de claviers qui nous envoie dans l’espace, ont préparé à merveille le terrain pour la finale de Everything Crash.
L’ami Jimmy ne qualifie certes pas pour le titre de bête de scène, mais on ne sait jamais si l’ex-leader de Chocolat joue la carte de la nonchalance exagérée par calcul ou si c’est vraiment inné. On lui pardonne si c’est la deuxième option qui prévaut, mais dieu qu’il pourrait resserrer ses enchaînements. Laborieux.
Au moins, on avait les projecteurs à acétates pour attirer notre attention. Manipulées sur la scène par l’illustrateur Mathieu Jacques, accroupi derrière Jimmy, les deux machines ont permis d’observer des dessins réalisés au préalable durant le segment folk, puis la création de dessins sur le vif pendant le volet rock. Très réussi.
Incidemment, pour ceux qui n’ont aucune idée à quoi ressemble cette machine, précisons qu’il s’agit d’un objet assez encombrant qui projette une lumière à travers une vitre très chaude, afin de projeter les images d’un acétate translucide sur un mur.
Pour être franc, la dernière fois que j’ai manipulé ce machin préhistorique, c’était à l’UQAM, avec mon pote Mario, lors d’un cours universitaire portant sur la politique du Japon… en 1985. En raison de la moyenne d’âge dans le National, disons que nous devions être 27 personnes à avoir eu un prof qui nous a un jour dispensé un cours avec ça.
A l’arrivée, Jimmy a continué à bâtir sa petite légende qui pourrait bien faire une percée dans quelques semaines, par le biais d’un trophée gagné, ici et là, ou en raison de la visibilité que lui offrira sa performance en direct à la télévision à l’ADISQ. On a l’impression que son parcours commence à ressembler un tantinet à celui d’un Bernard Adamus et que l’éclosion grand public est toute proche.
D’ici là, il a fort bien résumé son propre spectacle : « C’est pas un show parfait. C’est un bon show. »
En effet.
En passant. Le Canadien a perdu 4 à 1.