Ha! Avril à Paris… C’est une mélancolie collant à la peau. C’est un espoir réchauffant le coeur. C’est une réussite balayant la poussière du temps qui passe.
Par François Vézina
Ce sentiment doux-amer de l’amour perdu ou aperçu, Jeri Brown, un des secrets les mieux gardés de Montréal (*), l’a non seulement capté mais elle le fait partager avec une grande sensibilité.
Bien chaperonnée par une formidable section rythmique, la chanteuse interprète magnifiquement 10 ballades et récite un court poème de Leonard Cohen sur le savoureux April In Paris.
Non seulement, elle a une voix à faire chavirer le plus grand des paquebots, non seulement elle peut compter sur une vaste palette musicale, mais elle sait s’en servir intelligemment. Pas de « la-la-tra-la-la ». Elle mise sur un refus des excès artificiels. Pari réussi: cette sobriété épouse soigneusement un répertoire fort bien choisi.
Qu’elle chante Rowles (Morning Lovely), Livingstone/Webster (The Twelfth of Never) ou Wheeler (Gentle Piece), Jeri Brown nous plonge dans une ambiance sentimentale sans mièvrerie.
Le printemps est synonyme d’espoir («Love me when April comes again», supplie-t-elle) ou de regret nostalgique («I could have loved you», avance-t-elle ailleurs). Et même Michel Legrand trouve chaussure à son pied: sa Valse des lilas et ses Moulins de mon coeur illustrent parfaitement le propos de la chanteuse: l’amour, comme le printemps, est finalement une roue qui tourne.
La version de Summertime est plus exhibitionniste, moins réussie. Elle est bizarrement chantée sur un tempo plus vif, comme si la Canadienne d’adoption voulait lui retirer sa moiteur sudiste. Le rythme plus trépidant de la Ville-Lumière, peut-être?
Un puissant courant tellurique passe entre Brown et ses accompagnateurs. Un courant qui se transforme en osmose pendant Greensleeves. Ce classique de Noël, interprété par un duo voix-contrebasse, devient une magnifique chanson d’amour interrompu.
Et le tout se finit en apothéose: un solo d’accordéon, quelques accords de piano et une voix sublimée. Paris se fait belle, Paris se fait jour. Frissons.
(*) Elle est membre de la fac de musique de l’Université Concordia.
Le Top 50 de Frank (45): Jeri Brown, April in Paris
Étiquette: Justin Time
Année d’enregistrement: avril 1996
Durée: 57:21
Musiciens: Jeri Brown (voix), Pierre Michelot (contrebasse), Alain Jean-Marie (piano), John Betsch (batterie), Roberto De Brashow (accordéon)