Les Cowboys à L’Olympia, acte 1: le rituel perfectionniste

PARIS – Pas d’équivoque. Les Cowboys sont bel et bien entrés dans Paris. Pacifiquement, cela va de soi… Les lettres géantes qui ornent la marquise de L’Olympia sont là pour le confirmer, sauf que l’on entre pas par le 28 boulevard des Capucines. On contourne le coin gauche pour tourner sur la rue Caumartin et pousser la porte du 18, celle de l’entrée des artistes.

Par Philippe Rezzonico

Entrée côté jardin, donc, pour assister au test de son des Cowboys fringants qui s’offraient lundi soir le premier de trois spectacles en huit jours à la mythique salle. Pas le choix de passer par là en fin d’après-midi, d’autant plus qu’il y a déjà des fans du groupe qui font la queue pour s’assurer d’être les premiers dans la fosse afin d’être collés sur la grille qui protège la scène. Cinq heures avant le début de la performance… Ça aussi, cela va de soi.

Petit sentiment d’imposture, faut avouer. A mes yeux, les entrées des artistes sont faites pour les stars, comme on dit en France, pas pour les journalistes. Mais on se laisse guider à travers les couloirs et les dédales des coulisses qui ont vu passer tout le gratin mondial francophone et anglo-saxon de la planète, du locataire le plus assidu que fut Gilbert Bécaud jusqu’aux increvables Rolling Stones.

On se retrouve finalement assis près de la console de son située au balcon, dans les confortables sièges de L’Olympia qui a eu droit à une cure de rajeunissement majeure à la fin des années 1990. Les rénovations ont permis de nouvelles possibilités, notamment d’escamoter tous les fauteuils du parterre pour accueillir des foules plus nombreuses et éviter de violenter le matériel comme du temps des shows… Non, du temps des émeutes provoquées par Johnny Hallyday au début des années 1960.

Le rituel

Alors que l’ingénieur de son Stéphane Demers et ses collègues s’affairent, il règne une atmosphère singulière. Hormis les bruits d’instruments répétitifs et un strict minimum d’échanges, on est happé par le vide de l’enceinte à ce moment déserte.

Cette salle où des milliards de notes de musique et les voix de tous les grands ont résonné donne l’impression d’être une mer calme avant la proverbiale tempête qui va tout balayer sur son passage. Arrivé avant tout le monde – c’était voulu -, je me délecte du moment.

Vérification de la cymbale de la batterie, de la basse, de chaque micro : l’équipe québécoise et française des Cowboys ne laisse rien à la légère, alors qu’Étienne Chaput, qui s’occupe des instruments des membres du groupe, amène l’écrin du violon de Marie-Annick Lépine et en sort l’instrument avec moult précautions. Les gestes sont précis, assurés, comme ceux d’un rituel maintes fois répétés.

Perfectionnistes

Les Cowboys arrivent quelques instants plus tard, y allant aussi de leurs propres vérifications d’usage. Relaxes, ils pèsent et soupèsent leurs options. Jean-François Pauzé demande plus de volume pour sa guitare acoustique qui tranche pourtant au couteau en raison de l’absence de spectateurs. « Les Français adorent ma guitare acoustique », lance-t-il à Demers, en boutade.

Le groupe amorce L’horloge, puis enchaîne avec On tient le coup. Je descends au parterre et revoie le salut de Karl Tremblay qui vient de me repérer. Je vais de gauche à droite, ainsi que jusqu’au fond de la salle, sous le plafond bas, pour réaliser que partout, ça sonne comme une tonne de briques. Impeccable. Les portes s’ouvrent, d’autres personnes arrivent, notamment ces messieurs de la sécurité, mais nous ne seront jamais plus d’une douzaine dans la place.

Parfois, le groupe joue une chanson de façon à peu près intégrale, comme Télé ou Has Been, durant laquelle Jean-François descend au parterre pour entendre ce que les fans entendront dans quelques heures. Il veut plus de son, comme s’il voulait plutôt tester les limites de la chanson rentre-dedans. Marie-Annick demande à jouer un bout particulier de La Reine et la finale de Plus rien. On y va. Tout baigne.

On transforme

La Marilou s’en fout pose un problème particulier. Bien Jouée en répétition, c’est plutôt la reprise de sa finale qui est remise en question. « J’aime pas la Marilou double », lance Marie-Annick. « Moi aussi, je trouve qu’une fois, c’est assez », ajoute Karl.

Un modification en amène une autre : celle de la clé. Deux punchs sur le ré et puis un fa ensuite? On discute et on teste. Situation d’autant plus variable que David Lacoste, l’un des deux guitaristes supplémentaires retenus pour la tournée, demande à Jean-François s’il doit répéter le riff en boucle comme lui où travailler différemment la chanson. Avec trois guitares disponibles – et parfois même la mandoline de Marie-Annick -, les Cowboys sont loin du temps où il n’y avait que la six cordes de JF.

Vu du parterre, l’exercice est fascinant à observer pour un fan de musique. Et il a le mérite de démontrer à quel point ce groupe prend les choses au sérieux sans se prendre au sérieux. Gage de respect pour les fans qui viennent les voir par milliers en Europe.

Alors que la séance achève, on va discuter avec Karl et JF alors que Marie-Annick, Jérôme et les autres musiciens poursuivent des séquences instrumentales.

– Intéressantes, vos variantes ? Vous travaillez toujours ainsi ?

« Dès fois, ça va plus vite, note Jean-François. Mais c’est une chanson du nouveau disque. Il y a toujours place à du changement. »

Un à un, les autres quittent. Le silence revient. On se dirige cette fois vers l’entrée principale qu’on va franchir en sens inverse, de l’intérieur. A notre sortie à l’entrée, la file d’attente s’entend joyeusement sur le boulevard des Capucines en direction de l’Opéra. Il est temps d’aller dîner. Il parait que les Cowboys seront sur scène quelques minutes après l’heure prévue de 20 heures. Faudrait pas rater ça.