Dire que Fauve ≠ est le groupe français qui attire le plus l’attention ces jours-ci dans l’Hexagone relève de l’euphémisme. Sauf que le collectif que l’on verra samedi soir au Club Soda lors du Festival Montréal en lumière se retrouve aux deux extrémités du spectre de la critique populaire et professionnelle comme on le voit rarement.
Par Philippe Rezzonico
La parution de Vieux frères – partie 1, premier véritable disque des Français après leurs premiers titres mis en ligne sur le web en mai 2013, est soit louangé comme la meilleure chose qui soit arrivé à l’humanité depuis l’invention de la roue, soit descendu en flammes, et ce, tant de la part des critiques des médias traditionnels, que les blogueurs ou les amateurs de musique. Fauve, visiblement, ne laisse personne indifférent.
« C’est gênant, dans un sens comme dans l’autre, admet sans ambages Stéphane, un des membres du collectif joint en France. Il y a des critiques bien trop positives, comme si nous n’étions rien de moins que des sauveurs, et il y en a d’autres qui sont proprement insultantes.
« Ce n’est pas très valable dans les deux cas, souligne-t-il, d’un ton tout à faire neutre. Nous n’avons pas la prétention d’être des génies et nous savons qu’il y a encore du travail à faire, mais nous ne sommes pas nuls et on se bat pour la valeur de notre travail. Ce sont des réactions bipolaires. »
Le Français admet que de tels excès sont fréquents dans d’autres pays, notamment le Royaume-Uni, où chaque nouveau groupe est perçu comme « The next best thing ».
« En Grande-Bretagne, c’est à la limite culturel. Nous sommes habitués à voir des attentes démesurées envers les nouveaux groupes. Mais chez nous, c’est un phénomène rare. »
Durs constats
Que fait Fauve ≠ pour engendrer de telles réactions? Sont-ce les textes rentre-dedans et, à la limite, provocateurs, de certaines nouvelles chansons comme Voyous, les chansons-déprime comme Infirmière ou la potentielle crainte d’auditeurs que des titres comme De Ceux deviennent des hymnes revendicateurs de la jeune génération dans cette France en tourmente?
À moins que ce soit la débrouillardise du collectif qui a réussi à se faire entendre du peuple sans le concours de labels de disques.
« Au début, c’étaient ceux de notre âge qui venaient assister à nos spectacles. Nos textes ont une résonance auprès des 16-20 ans et ce sont toujours ceux-là qui occupent les trois premières rangées, d’ailleurs. Mais depuis quelques mois, on voit un public de tout âge, bien plus diversifié.
« Peut-être qu’une fille de 16 ans se reconnait dans notre musique et nos propos. Mais nos vies sont plutôt banales et normales. Oui, nous faisons de durs constats du quotidien dans nos textes. Tout ne va pas bien. Mais au fond, je pense que l’on vit la même chose que pas mal de nos fans. »
Le groupe d’une génération?
Peut-on réellement empêcher les gens de voir Fauve ≠ comme un porte-étendard? Quand tu entends : « J’ai pas braqué, j’ai pas buté personne » dans Voyous, qui parle de « crevards » et de « mal foutus », on reconnait une jeunesse à la dérive. Et lorsque que l’on entend « Nous sommes de ceux » chanté avec puissance et hargne, on se dit que cette chanson a tout de l’hymne générationnel.
« Je n’ai pas l’impression de représenter une génération. Nous, on s’exclut de ça. Par contre, la ténacité, ça, oui, on se reconnaît parfaitement là-dedans. Quand on a commencé, quand on a voulu créer les premières chansons, on s’est dit : « Pourquoi pas sans studio? »
« Le studio, la mise en marché, pour plusieurs, c’est un passage obligé. Pas pour nous. On ne fait pas les choses avec une perspective de carrière. Écoute, quand on a enregistré les compositions de Blizzard (un EP de six titres), on a fait ça avec un ampli, une basse, dans notre salon. Nous ne sommes pas adeptes du « low-fi », c’est différent, mais nous avons une démarche créatrice précise. Nos textes sont crus et durs, mais il y a toujours une touche d’espoir ».
– Comme Loterie, qui clôt l’album, et qui est pratiquement l’antithèse de Voyous qui l’ouvre?
« Exact. On annonce la couleur pour Vieux frères – partie 2. Il y aura aussi des textes durs, mais de l’espoir. »
Texte, musique et vidéo
Ceux qui étaient au Club Soda à l’été 2013, lors du tout premier spectacle de Fauve en sol québécois, en première partie de Benjamin Biolay, savent de quoi ils retournent.
Fauve ≠ déverse à une cadence parfois supersonique une mouture de spoken word, de slam et de hip-hop coup de poing, le tout, offert dans un enrobage où la lumière et la photo jouent un rôle prépondérant.
« Le texte, la musique et l’image sont nos trois piliers. Ils se soutiennent entre eux. La vidéo est un moyen d’expression et il y a toujours un clip lié à nos chansons. »
Non seulement le collectif aura bien plus de titres à offrir que l’an dernier, mais l’artiste admet que le groupe a fait des progrès sur scène.
« Quand nous sommes venus l’an dernier, c’était notre…15e ou 20e concert. Là, nous avons déjà fait plus de 65 dates. Nous sommes nettement plus à l’aise, quoique je ne sache pas encore le genre de foule à laquelle nous devons nous attendre. »
Comme Fauve ≠ se produit cette fois en tête d’affiche et non plus en première partie, parions que les spectateurs présents seront plutôt ceux qui crient au génie que les détracteurs. D’ailleurs, le spectacle affiche déjà complet. Nous avons déjà la réponse.
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Fauve ≠ au Club Soda, première partie Pawa Up First, le samedi 22 février à Montréal en lumière. Complet.