Metric: l’apprentissage grand public

Emily Haines, photographiée durant le festival Osheaga cet été, est toujours une indomptable bête de scène.. Photo courtoisie evenko/Elodie Desrochers.

« On dit de nous que nous sommes trop mainstream pour l’underground et trop underground pour le mainstream. Bullshit! » Sur le fond, Emily Haines avait bien raison de faire ce commentaire au terme du spectacle de Metric, mercredi, au Centre Bell. Le succès, lent, graduel et pleinement mérité du groupe canadien en est la preuve la plus éclatante. La crème, ça peut séduire autant les critiques que les amateurs de musique indépendante et le plus grand public.

Par Philippe Rezzonico

Sauf que lorsque tu fais la promotion de ton spectacle sur une tribune millionnaire comme celle de Tout le monde en parle et que tu offres un spectacle dans l’amphithéâtre du Canadien, tu dois réaliser que les codes qui gèrent la musique underground doivent être modifiés. C’est l’erreur, purement tactique ici, que Metric a commis lors de son spectacle, au demeurant, excellent au plan musical.

Pour une bande de musiciens chevronnés comme celle de Metric, mettre une foule dans ta poche dans un club comme le National au printemps, c’est une formalité. Tout aussi vrai lors d’un set de 50 minutes à Osheaga cet été. Il y a des dizaines de milliers de personnes, certes, mais la fête est amorcée depuis des heures et tous les spectateurs ont un taux d’alcoolémie considérable. Succès assuré.

C’est tout à fait différent quand tu joues devant 5000 personnes dans un Centre Bell qui peut en accueillir le double. Il y avait bien 2000 irréductibles fans de Metric sur place, 90 pour cent d’entre eux étant au parterre, agglutinés comme des sardines au-devant de la scène, mais aussi des tas de gens peu ou moins familiers avec le groupe qui sont venus voir de quoi il retournait.

L’actuelle tournée

Metric devait donc offrir une valeur ajoutée à sa performance, d’autant plus que jouer au Centre Bell pour une première fois, ça demeure une forme de consécration, un peu comme les Cowboys Fringants l’avaient vécue en 2003.

La production était adéquate. Avec ses colonnes de lumières placées sur les flancs, derrière et au-dessus de la scène, le groupe avait l’air d’être entouré d’un gigantesque jeu de lego bleus, blancs ou rouges, selon les variations de couleurs.

Mais Metric nous a finalement offert son actuelle tournée de l’album Synthetica avec sept titres du récent opus sur 18 sélections (beaucoup trop), aucun titre du premier album, un seul de Old World… (Dead Disco) et seulement trois de Live It Out. Déséquilibre. Le groupe aurait dû saisir l’occasion et célébrer près de 15 ans d’une carrière musicale méritoire.

Long à décoller

C’est peut-être pour toutes ces raisons que les 20 premières minutes ont semblé quelque peu amorphes. Un quatuor de titres de Synthetica (Artificial Nocturne, Youth Without Youth, Speed the Collapse, Dreams So Real) n’était peut-être pas ce qui était le plus indiqué. D’autant plus que nombre de livraisons étaient noyées dans l’écho. La voix de Haines était le plus souvent diffuse dans la livraison sonore. Je pense particulièrement à Youth Without Youth et Dreams So Real.

Satellite Mind a provoqué plus d’effet, mais c’est la charmante Lost Kitten qui a permis à Haines de varier sa gestuelle de scène et de commencer à enflammer la foule, ce qu’elle a réussi au plus haut point avec Empty et son cri de ralliement : « Shake your head, it’s empty». Mains sur les hanches, arc-boutée sur son clavier, traversant la scène d’un bout à l’autre, Emily a définitivement mis le feu.

À ce moment, Haines était de nouveau l’indomptable bête de scène que l’on connaît depuis des années, avec ses allures de prêtresse, son tambourin bien haut et le poing en l’air durant Help I’m Alive.

Ce n’est toutefois qu’après une livraison incendiaire de Breathing Underwater qu’elle s’est adressée aux spectateurs pour la toute première fois… après 55 minutes de performance.

« Je suis sans mots », a-t-elle lancé. Pas si vrai, à en juger par le très long hommage rendu à son équipe de gérance basée à Montréal, aux fans et à leur parcours qui a précédé la version acoustique de Gimme Sympathy, à l’ultime rappel.

Quand elle parle dans son magnifique français cassé et son anglais de souche, Emily Haines est d’une franchise et d’une pertinence totale. Ce discours de clôture, c’était après la troisième ou la quatrième chanson qu’on l’aurait pris. Cela aurait conféré l’atmosphère intimiste qui n’a prévalu que lors des dernières 40 minutes et cela aurait mis en contexte les amateurs qui ne sont pas des fans de Metric quant à l’importance de cette performance pour le groupe.

Crescendo explosif

Cela dit, Metric demeure une référence quand vient le temps d’offrir un crescendo explosif. Le quatuor qui a précédé le rappel formé de Breathing Underwater, Sick Muse (mordante), Dead Disco (foudroyante) et Stadium Love (rassembleuse, avec l’apport vocal de la foule) était pétaradant à souhait.

Et le mercure n’a pas baissé d’un cran par la suite. Black Sheep a tonné et Monster Hospital a fait trembler les murs. Il faut dire que la phrase-clé de MH: « I fought the war, but the war won », qui renvoie au I Fought the Law de Bobby Fuller (« I fought the law and the law won ») demeure un constat anti-militariste nécessaire de nos jours.

Les trois J qui accompagnent Emliy (James, Joshua et Joules) s’en sont donné à cœur joie durant ce rappel, notamment durant l’explosive Gold Guns Girls.

À l’arrivée, une très bonne, voire une excellente prestation de Metric – ce groupe est incapable d’offrir une mauvaise performance -, quoique moins mémorable que celle livrée à Osheaga cet été et certainement pas la consécration attendue au Centre Bell.