Explosion de joie spontanée et justifiée, mardi matin, quand la nomination de Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau, a été confirmée dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère en vue de la 84e cérémonie de remise des Oscars, le 26 février prochain.
Par Philippe Rezzonico
De telles réactions surviennent autant par fierté patriotique que par réel intérêt artistique. Tous ceux qui ont vu ce beau et bon film ont applaudi à juste titre cette annonce, mais je soupçonne que des centaines de gens qui ont twitté en matinée : « Bravo ! » « Oui ! » ou même « Yes ! », n’ont pas vu le film.
Pas grave, diront-ils : « Il est des nôtres ! » Vrai. Et comme le film – toujours à l’affiche – va être présenté sur un plus grand nombre d’écrans dès vendredi, tous les Québécois qui ne l’ont pas encore vu pourront constater que les louanges sont méritées.
Ce n’est pas rien : deux participations consécutives à la grande fête américaine du cinéma dans cette catégorie pour des films réalisés par des Québécois. Incendies, de Denis Villeneuve, était en lice l’an dernier.
Trois fois en neuf ans
Et trois films québécois sur la sellette depuis 2003, lorsque Les Invasions barbares, de Denys Arcard, avait enlevé la statuette. Seul Oscar décerné au candidat canadien dans cette catégorie d’ailleurs, puisque Le Déclin de l’empire américain (1986) et Jésus de Montréal (1989), également d’Arcand, ainsi que Water (2006), de Deepa Metha, étaient tous repartis les mains vides.
Est-ce le sort qui attend le film de Falardeau ? Très, très possible. Remarquez, l’an dernier, le film de Villeneuve semblait taillé sur mesure pour la statuette : la quête personnelle de racines de Québécois d’origine étrangère dans leur pays natal en guerre, les conditions d’oppression des femmes… Tous les ingrédients semblaient réunis pour toucher les cordes sensibles et chères des membres de l’Académie. Finalement… Non. Pas d’Oscar… In a Better World a triomphé.
Falardeau a bien fait de déclarer « C’est comme de gagner la coupe Stanley » en réaction à cette nomination, mardi. Sa coupe Stanley, c’était aujourd’hui, même s’il va longtemps tirer parti de cette présence à Los Angeles et de cette tribune mondiale.
Le sujet de Monsieur Lazhar, lui aussi, à tout pour plaire aux membres de l’Académie ; immigration, intégration, deuil, quête de savoir…. Le simple fait qu’il se soit retrouvé parmi les finalistes démontre l’intérêt véritable des membres de l’Académie américaine envers cette production.
Mais comme vous le savez déjà, le film iranien Une Séparation, d’Asghar Faradi, plébiscité partout où il est passé sur le globe (Ours d’or, Golden Globe) et adversaire le plus sérieux de Monsieur Lazhar, a obtenu une nomination pour l’Oscar du meilleur scénario original, fait assez rare pour un film étranger.
Et quand on connaît la situation politique qui prévaut en Iran et l’emprisonnement pour six ans du cinéaste Jafar Panahi, on ne pense pas que l’Académie va rater l’occasion de célébrer un film provenant d’un pays perçu comme totalitaire à ses yeux.
Dommage pour Monsier Lazhar, mais sait-on jamais ? Après tout, Hollywood n’en est pas un à miracle près. De toutes façons, Falardeau, lui, n’aura pas démérité. Il aura disputé la saison régulière des festivals à plein régime, il aura classé son film pour les séries et il a atteint la grande finale. C’est pas mal mieux qu’un certain club bleu-blanc-rouge, ça.