« Twanggg! » « Tchac! » « Boiinnggg! » « Clang! » Ces onomatopées sont là pour vous démontrer le genre de sons qui émanaient de la guitare de Nick Waterhouse, dimanche, au Club Soda.
Par Philippe Rezzonico
Ajoutez à cela un duo de saxophones ténor et baryton du diable, un B-3 qui dégoulinait de notes sales, une batterie, quelques percussions et une choriste qui semblait tirée de l’écurie Motown et vous avez là la combinaison idéale pour ce fut rien de moins que le meilleur show de R&B/Soul disponible en 2014.
Bien sûr, tous les ingrédients et les influences de Waterhouse ne datent pas d’hier. Le jeune guitariste de 29 ans et ses potes sont un croisement entre les Crickets de Buddy Holly et la bande de Mad Men. Et Waterhouse extirpe de sa guitare des sons, des riffs, des grooves et des mélodies qui ont marqué l’histoire de la musique américaine et britannique de la fin des années 1950 et du début des années 1960.
Il ne fallait d’ailleurs pas trop d’imagination pour s’imaginer ailleurs qu’à Montréal, surtout quand vous vous approchez, comme moi, à dix pieds de Waterhouse, sur le côté gauche du parterre du Club Soda, parce que ledit parterre était congestionné de chaises et de tables…
La belle Chana, qui avait pourtant une place en plein milieu du club, 20 pieds devant le micro, a préféré venir s’installer près de moi sur le bas-côté, pour danser comme les filles le faisaient en 1962. Waterhouse lui-même a noté l’incongruité. Après avoir salué la foule, il a noté qu’il trouvait tout drôle de voir une telle configuration, car « les jeunes faisaient du stage diving » à Toronto.
Ça n’a pas empêché une seconde le Californien et sa bande de nous expédier en rafale les anciennes chansons du disque Time’s All Gone et celles à venir de Holly, qui sortira le 4 mars. Et aux spectateurs d’apprécier pleinement. Il fallait voir les gens twister sur leur siège, comme ce couple largement dans la soixantaine qui est même venu danser durant quelques chansons dans mon coin. Ces deux-là revivaient leur jeunesse, visiblement. Beau à voir.
Comme l’ont fait les Stray Cats avant lui, Waterhouse a bâti sur une musique d’antan ses chansons propres, vivifiantes, brûlantes, toutes charpentées, ou presque, sur des grooves irrésistibles.
Mouture explosive
Et on danse sur Say I Wanna Know. Et on trépigne durant Dead Room, où le solo de saxophone sur disque, totalement jazz, est ici livré comme s’il s’agissait de King Curtis qui embrassait les chansons de Sam Cooke au Harlem Club Square de Miami. Et on s’éclate avec Time’s All Gone, qui sert accessoirement de publicité automobile, dotée d’un pont conjoint des deux saxophones, le baryton de Madame Anderson faisant office de rouleau-compresseur.
Et on reçoit en plein cœur, le « Tchac! Tchac ! » razoir et répétitif, dont le motif évoque les Shadows, durant High Tiding. Et on est aux anges quand Waterhouse nous balance le premier extrait de Holly, l’imparable This Is a Game, dont la guitare post-surf, meurtrière, est soutenue par un B-3 déchaîné en finale.
En deuxième partie, le groove lent de It #3 donne furieusement l’envie à tous les couples de se coller sur leur partenaire, puis Waterhouse nous offre Raina, une chanson d’amour qui laisse toute la place à sa guitare dont l’écho résonne jusqu’à dans nos fibres. J’ai l’impression d’entendre Brian Setzer reprendre Sleep Walk.
Sans pédale
Et, toute la soirée durant, Waterhouse offre ses variantes sonores sans l’aide d’aucune pédale de guitare. En fait, il a joué toute la soirée avec le même instrument. Un maître.
Et ça ne dérougi pas jusqu’à la fin du spectacle qui comprend les explosives (If) You Want Trouble, Ain’t There Something Money Can’t Buy et Pushin’ Too Hard, des Seeds.
Terminé? Pas vraiment. Pourtant, on le croyait tous. Quand les lumières sont rallumées et qu’une musique de fond se fait entendre dans une salle… La moitié des spectateurs était pratiquement dans la queue pour le vestiaire quand Waterhouse et ses potes sont revenus. Virage à 180 degrés du public qui se retrouve, cette fois, debout, au parterre, un peu tout croche, entre les tables et les chaises.
Et là, Waterhouse balance le tube de 1961, It’s Your Voodoo Working, de Charles « Mad Dog » Sheffield, et Gloria, popularisée par vous-savez-qui. Et ça chante, et sa danse et ça saute dans le Soda.
Je soupçonne que Waterhouse a fait exprès de retarder de quelques instants son retour sur scène pour le rappel. Il voulait voir le public de Montréal danser avec lui. Il n’aura rien à craindre si on le réinvite au FIJM cet été. Comme à l’été 2013, il risque de joueur en extérieur. Mais cette fois, devant beaucoup plus de monde.