Montréal en lumière : Ciccone, en italien dans le texte

Nicola Ciccone. Photo courtoisie Montréal en lumière.

Normalement, quelque temps après notre naissance, on commence à apprendre ce que l’on désignera comme notre langue maternelle. Plus tard, il y aura généralement une langue seconde. Et si l’on est doué, une troisième. Et nous les utilisons au quotidien, le plus souvent dans cet ordre. Mais pas Nicola Ciccone.

Par Philippe Rezzonico

Ciccone, l’Italien de Montréal, il a d’abord chanté professionnellement dans sa troisième langue (le français), avant d’interpréter des chansons dans sa deuxième (l’anglais), pour finalement faire un disque dans sa langue maternelle, Il sognatore, qui sera l’essence de son spectacle présenté jeudi soir à la salle Pierre-Mercure, lors du festival Montréal en lumière. Sacré Nico, va.

« C’est particulier, n’est-ce pas?, répond le principal intéressé. C’est parce qu’au Québec, on vit en français. Mais peu importe que ça soit en italien, en français ou en anglais, toutes ces langues-là sont au service d’une langue plus forte, celle de la musique. »

Ce n’est pas d’hier que l’ami Nicola pensait graver un disque de chansons en italien. Il en parlait déjà quand nous faisions les entrevues de son disque anglophone, Storyteller, au milieu des années 2000.

« Ça fait longtemps que c’est clair qu’il y allait avoir un disque en italien. Probablement depuis 12 ou 13 ans. Il fallait que j’enregistre dans chacune des langues que je parle. Moi, je viens d’un quartier qui était un ghetto italien dans le temps (Petite Italie). Jusqu’à l’âge de huit, neuf ans… je ne parlais qu’italien. Et mes parents ont appris le français en même temps que moi. »

Le répertoire rital est tellement riche de chansons immortelles, qu’il aurait été facile pour Ciccone d’enregistrer un disque farci uniquement de classiques et de reprises plutôt que de compositions originales. Ça serait bien mal connaître l’auteur-compositeur et interprète. Faire un Helmut Lotti de lui, ce n’est pas son genre.

« Je n’aurais pas pu faire ça. Mon métier, je le fais parce que j’ai quelque chose à dire. Je ne peux pas le faire si je ne peux pas créer. Ça ne m’empêche pas de faire des reprises dans le spectacle. J’en fais deux. Mais sur disque, il fallait que ça soit de la création. »

De la création avec des thèmes bien précis, comme l’immigration, mais vu de la perspective du fils d’immigrant.

« Le thème a déjà été abordé, mais rarement de ce point de vue. Ou le thème du rêveur, mais du rêveur qui rêve d’aller à Milan, pas à New York ou Toronto. »

Composition ardue

Et même pour un italien de souche, écrire et composer dans sa langue a été un réel défi tant les codes ne sont pas les mêmes que pour d’autres langues.

« En italien, il n’y a pas de syllabes muettes. La portée phonétique n’est pas la même. Le français est une langue de détails et de vocabulaire. L’anglais a d’autres paramètres. En anglais, il est facile d’être paresseux dans l’écriture. En français, tu veux résumer. En italien, c’est phonétique. Dans le fond, la langue, ça devient comme un autre instrument. C’est comme le guitariste qui a plusieurs guitares. »

Ciccone est actuellement au cœur de la tournée de son album francophone Pour toi. Le spectacle offert au festival Montréal en lumière, qui comprendra majoritairement des chansons en italien, est un cas unique.

« L’idée est née autour d’un café avec Laurent Saulnier. C’est lui qui m’a proposé de faire ce spectacle en italien. Je ne pouvais pas refuser ça. Pour le moment, il n’y en a pas d’autres. »

– As-tu l’impression que ton public va être d’un autre genre que celui, majoritairement francophone, qui te suit depuis 1998?

« Mon public francophone est aussi très italophone. Je me rends compte quand je signe des autographes après les spectacles. Mais ce disque en italien a aussi attiré un autre public. Les médias italiens de Montréal m’ont consacré bien plus de place avec ce disque dont ils comprennent le sens de toutes les chansons. »

Ciccone a bien l’intention de jouer à fond cette dualité durant son spectacle. Il a même traduit en italien une portion de J’t’aime tout court, afin d’en concocter une version hydride. Mais au final, peu importe la langue interprétée, on reconnaît la voix de Ciconne à des miles à la ronde.

Italien, anglo ou français. Finalement, peu importe. Nico, il est depuis toujours un gars de chez nous.

—-

Nicola Ciccone à Montréal en lumière, le jeudi 27 février, à la salle Pierre-Mercure, 20 h.