Noel Gallagher : les oiseaux volent au-dessus de l’oasis

Noel GallaghersNoel ou Liam? C’est un peu comme demander John ou Paul? Ou encore Mick ou Keith?  Dans tout groupe, chaque amateur a son préféré, que ce soit lié à la musique ou à la personnalité.

Par Philippe Rezzonico

Sauf que depuis la séparation des frères Gallagher et la dissolution d’Oasis, la question « Noel ou Liam? » prend un tout autre sens. Après la présence de Noel et de ses High Flying Birds à l’été 2016 au Festival de jazz et celle de Liam, l’été dernier à Oshega, mon vote aurait probablement été au premier.

Mais après le concert de Noel, hier soir, à la salle Wilfrid-Pelletier, j’hésite. Car Noel et ses oiseaux ont volé plus bas qu’il y a 18 mois, quoique bien au-dessus de l’oasis, si l’on peut imager. Et ça tient à plusieurs facteurs dont certains n’ont pas de lien direct avec la qualité de la performance.

Primo, quand un artiste demande la tenue d’une fouille obligatoire à l’entrée de la salle, il doit être conséquent et ne pas commencer à 20h17 un concert prévu pour 20 heures. D’autant plus vrai quand il n’y a pas de première partie, ce qui est plus souvent la norme que l’exception dans un concert rock. Il y avait plus d’une centaine de personnes qui n’avaient pas franchi l’entrée à ce moment. J’ai vérifié auprès des placiers de la PdA.

Deuxio, à l’ère des médias sociaux, le public sait tout avant même que ça commence. Et il avait probablement vu que Noel ne jouait presque pas de chansons d’Oasis. Seulement 6 titres sur 22, en fait. C’est probablement la raison pour laquelle la grande Wilfrid-Pelletier était loin d’être pleine.

Un préposé de la Place des Arts distribuait d’ailleurs des billets de relocalisation à la porte d’entrée quelques minutes avant le début du spectacle, histoire d’installer au parterre des spectateurs qui avaient des billets dans les balcons supérieurs, a confirmé, lundi, la direction de la billetterie de la PdA.

Tertio, peu importe la qualité de tes récents disques, quand tu es la moitié du groupe anglais le plus populaire des années 1990, tu n’amorces pas un spectacle avec neuf (!) chansons de ton répertoire solo d’entrée de jeu. Non pas qu’elles ne sont pas bonnes, ces chansons.

Le présent

La formidable Holy Mountain, explosive à souhait avec ses effluves pop nappées d’une section de cuivres, était jouissive. It’s a Beautiful World a un certain charme et Keep On Running a une accroche sonore puissante, quoique moi efficace sur scène que sur disque, ce qui avait de quoi étonner.

 

On aime toujours autant In the Heat of the Moment – de Chasing Yesterday – et sa rythmique dansante. If I Had A Gun, du premier disque, avec Noel en mode acoustique, retient encore l’attention. Quant à Ballad of the Mighty I, elle demeure probablement la chanson la plus personnelle de Noel depuis la séparation d’Oasis.

Bref, de bons moments, mais tout est une question de dosage, même quand ton spectacle est agrémenté de projections colorées en arrière-plan. À l’été 2016, dans cette même salle, Noel et ses collègues avaient proposé dix chansons du premier album éponyme et de Chasing Yesterday et dix d’Oasis. Impeccable équilibre qui avait mené à un spectacle mémorable face à une foule déchaînée.

Mal nécessaire?

Mais hier, j’ai eu l’impression que l’interprétation des chansons d’Oasis était devenu un mal nécessaire. D’ailleurs, Noel m’a bien fait rigoler quand il a demandé : « Est-ce qu’il y a encore des amateurs d’Oasis dans la salle? »

Le « encore » était significatif. Peut-on imaginer McCartney demander : « Est-ce qu’il y a encore des amateurs des Beatles dans la salle? » On a d’ailleurs vu la réaction de la foule à l’écoute de Little by Little et de The Importance of Being Idle, cette dernière avec les images des machines de jeux des casinos. Pas d’équivoque.

Mais Noel est rapidement revenu à ses œuvres personnelles, cassant l’élan qu’il venait de donner au concert avec Death in the Water (dense), Be Careful What You Wish For, (passable) et Black and White Sunshine, là aussi, moins percutante sur scène que sur disque, comme si le collectif de 11 musiciens, choristes et cuivres, parfois, n’arrivait pas à être plus que la somme de ses parties.

On a eu droit à une exceptionnelle version de Half the World Away d’Oasis, suivie par la nouvelle et mordante She Taught Me How To Fly, assurément le doublé coup de poing de la soirée. Tellement bon, en fait, que l’interprétation de Wonderwall tout de suite après a semblé presque fade, Noel y mettant moins de cœur – et de voix – qu’en 2016. Ça n’a pas empêché la foule de chanter le classique à l’unisson.

Impeccable rappel avec la judicieuse Let the Lord Shine a Light On Me, le doublé d’Oasis (Go Let It Out, Don’t Look Back in Anger) et, sans surprise, All You Need Is Love des Beatles pour conclure.

Et la suite?

À la lumière de ce spectacle, il y a une conclusion évidente : Noel tente, plus que jamais, de s’affranchir du passé d’Oasis. Et il en a parfaitement le droit. Il y a d’ailleurs des jeunes qui connaissent autant les nouvelles chansons de Noel que les monuments d’Oasis. Le jeune couple devant moi, pas né quand les frères Gallagher ont lancé leur premier disque dans les années 1990, connaissait toutes les paroles des récentes chansons. C’était beau à voir.

Mais l’aîné des frangins Gallagher pourrait se brûler. Je suis convaincu que McCartney ne remplirait plus des stades et des arénas s’il réduisait de 25 à 15 le nombre de chansons des Beatles qu’il incorpore aux quelques 40 titres qu’il propose en spectacle. Il ne faut jamais oublier ce qui a fait ta renommée.

Bref, Noel veut-il se bâtir une légion de fidèles qui lui permettra un jour de s’offrir l’équivalent d’un Centre Bell, où préfère-t-il conjuguer au présent?

Dans le premier cas, il a intérêt à ne jamais oublier Oasis comme Sting n’a jamais oublié The Police en dépit de son incroyable succès en solo. Dans le second, il risque de jouer dans des salles de plus en plus petites dans le futur.

Si cela lui importe peu, il n’y a aucun mal à ça. Après tout, Robert Plant a joué dans une salle plus petite que Noel samedi soir à Toronto (Massey Hall, 2752 places). Et lui aussi, ne propose qu’une poignée de chansons du groupe-qu’il-ne-veut-pas-nommer pour des raisons de minimum syndical.

Et quant à mon interrogation du début, je vais attendre de revoir Liam dans une salle – et non en festival – pour y répondre. Le débat reste ouvert.