Pierre Lapointe au Gesù : du beau, du bon et un baume sur notre cœur

Photo courtoisie Spectra/Frédérique Ménard-Aubin

Chansons démodées pour ceux qui ont le cœur abimé. Sur disque, c’était tout un programme avec des orchestrations grandioses. «Très arrangé», comme l’a d’ailleurs noté Pierre Lapointe sur la scène du Gesù, mercredi soir, lors de sa première montréalaise présentée lors du festival Montréal en lumière.

Par Philippe Rezzonico

Sur les planches, c’était tout autre chose. Pierre Lapointe, un piano et le duo Fortin-Poirier formé des pianistes Amélie Fortin et Marie-Christine Poirier. C’était très épuré, en définitive. Le retour à l’essence de la création, selon Lapointe.

N’ayez crainte, ceux qui espèrent entendre les nouvelles chansons avec orchestrations – et section de cordes – en auront l’occasion durant les Francos de Montréral. Mais dites-vous que personne n’a été lésé mardi soir.

Puissance évocatrice

Peut-être plus que jamais dans sa carrière, Lapointe a été, avant tout, un interprète, dans la mesure où il n’a pris place au piano que pour quatre des 16 titres proposés. Le chanteur avait le loisir de mettre toutes ses tripes et sa concentration dans ses interprétations, ce qui n’était pas un luxe pour la galopante Dans nos veines et la puissante L’amour est une bague.  

À ses côtés, le duo Fortin-Poirier soutenait les tempos et les mélodies avec un jeu à quatre mains sur les ivoires qui pouvait être aussi dynamique que délicat, aussi aérien que précis. Avec son éternelle silhouette de dandy, sa chevelure poivre et sel, Lapointe, debout avec son micro, donnait l’impression d’être un jeune crooner d’antan, mais sans jamais verser dans le passéisme : les deux-tiers des chansons offertes du programme dataient de moins de dix ans.

Photo courtoisie Spectra/Frédérique Ménard-Aubin

Souvent, dans un tel contexte intimiste, il y a une ou deux chansons qui nous renversent plus qu’une autre, qui nous touchent au cœur avec plus d’impact. Le moment clé du spectacle dont on se souvient dès que l’on sort de la salle. J’aurais bien du mal à vous dire lequel, tant ce spectacle contient des instants de grâce.

Déjà enjoué par l’implacable acuité de Toutes tes idoles, la mirifique mélodie de Les étoiles guident nos âmes m’a envoyé en orbite. Sentiment assez similaire pour Arrête de sourire, qui, dans cet écrin minimaliste, mérite le qualificatif de chef-d’œuvre.

La plus belle des maisons n’a été rien de moins que superbe (Lapointe seul au piano) et le désormais classique Maman Papa ne laisse personne insensible. Pour une chanson d’espoir (Hymne pour ceux qui ne s’excusent pas), une Je déteste ma vie nous ramène le Lapointe à son plus grinçant. Heureusement, il y avait des moments comme l’instrumentale à quatre mains – avec Lapointe assis sur le piano qui regarde ses collègues – pour permettre à notre cœur de se remettre.

Madame bonsoir, avant les rappels, était bouleversante à souhait, autant que Comme les pigeons d’argile, chanson de Lapointe où il parle de la maladie d’Alzheimer de sa mère. Lien parfait avec Où iront nos souvenirs qui suivaient.

En se livrant plus que jamais sur son nouvel album, Pierre Lapointe a réussi le tour de force d’être encore plus universel que jamais dans le propos.  Par moment, cette prestation fut une enfilade de moments forts, poignants et touchants avec des classiques (Tel un seul homme, Nos joies répétitives, Deux par deux rassemblés), des néo-classiques (Le retour d’un amour) et des chefs-d’œuvre en devenir en quantité.

Et tout ça, dans un écrin raffiné au possible. Du beau, du bon et un baume pour notre cœur, brisé ou pas…