
Lee Rocker sera la tête d’affiche du festival Red Hot & Blue qui s’amorce jeudi soir au Rialto. Photo courtoisie.
La toute première présence de Wanda Jackson sur une scène montréalaise, c’est à elle qu’on le doit. Et c’est aussi grâce à elle que l’on a pu voir sur les planches québécoises Billy Lee Riley, Sonny Burgess, Art Adams, Johnny Powers et les Comets. Oui, oui… Les Comets de Bill Haley. Ceux qui ont enregistré Rock Around the Clock, en 1954.
Par Philippe Rezzonico
Elle, c’est Nathalie Lavergne. Elle est la Alan Freed du rockabilly au Québec. Celle qui met sur pied depuis 20 ans des spectacles où la musique d’Elvis, de Little Richard et d’Eddie Cochran est jouée, prisée, dansée et vénérée. Et ce sera encore le cas avec le festival Red Hot & Blue qui s’amorce jeudi au Rialto et qui mettra en vedette le Stray Cat, Lee Rocker.
Non, ce n’est pas d’hier, ces spectacles, soirées ou festivals où le rockabilly, le jive et toutes les variantes de danse des années 1950 sont à l’honneur. La première soirée du genre, la petite Nathalie l’a concocté au printemps 1993, à l’âge de 21 ans.
« Ça s’appellait L’hommage aux grands du rock n’ roll, se souvient-elle. On avait ça au sous-sol de l’Église Saint-Pierre Claver. J’ai toujours eu la passion d’organiser des événements et j’adore cette musique. Mais je n’ai jamais fait ça pour l’argent.
« J’avais organisé le premier événement avec une amie de camp de vacances, Sandra Paquin. On a fait 135 $ de profit au terme de cette soirée qui s’est terminée avec une bataille générale entre les fans de rockabilly et la police. »
Ça en prenait plus que ça pour décourager la jeune femme dont la tenue vestimentaire et la décoration intérieure reflète un intérêt pour les années 1950 qui dépasse celui de la musique. Le deuxième événement, présenté à l’automne 1993, s’est déplacé au sous-sol de l’église Immaculée-Conception et portait déjà l’appellation plus étoffée : Rockabilly Jam.
Événement bi-annuel, il y aura eu 19 Rockabilly Jam au total. Les soirées présentaient un groupe de l’idiome basé à Montréal, un en provenance de Toronto et un troisième provenant d’une autre région du Canada ou des États-Unis. En vedette, toujours des héritiers de la musique des pionniers.
Au cours des ans, nous en avons vu des jeunes adeptes de la musique de leurs parents et de leurs grands-parents défiler dans le sous-sol de l’église. Avec sa petite scène à peine surélevée (trois pieds) et son plafond bas, nous avions vraiment l’impression d’être téléportés dans le temps.
Le virage
L’automne 2002 allait marquer un changement de direction. Le 19 octobre, la vedette de la soirée est Billy Lee Riley. L’un des pionniers qui a enregistré chez Sun Records les tubes Red Hot et Flying Saucer Rock ‘ Roll. Soirée endiablée dans le sous-sol. Pour des journalistes comme le confrère Sylvain Cormier du Devoir et moi, c’était le Graal : voir un « original » de Sun Records. Oui, nous avions déjà vu Jerry Lee Lewis, mais Riley, on ne pensait jamais le voir. Et surtout pas à Montréal.
En 2003, Art Adams se produit en vedette, puis, Nathalie Lavergne frappe un grand coup en 2004 en faisant venir Wanda Jackson, la première dame du rock n’ roll, l’ex-flirt d’Elvis, qui n’avait jamasis mis les pieds au Québec.
Une soirée risquée pour la jeune productrice. Wanda Jackson ne demande pas 10 000 $ pour se produire, mais bien plus que quelques centaines de dollars. Ce n’est pas rien quand tes revenus sont directement tributaires du nombre de spectateurs présents à la soirée et de tes ventes de bière. Mais ce fut le triomphe. Tous les quotidiens de Montréal s’étaient déplacés et MusiquePlus avait envoyé une caméra sur place…
« On n’avait jamais eu tant de monde. Le sous-sol débordait et il y avait une file d’attente à l’entrée et une autre pour s’acheter de la bière. On avait du mal à fournir à la demande. »
Et quelle folie, faut avouer, quand Wanda a hurlé ses Let’s have a Party, Mean Mean Man et Fujiama Mama. L’indescriptible délire.
Ce succès a pesé lourd dans la transformation du Rockabilly Jam, événement bi-annuel d’un soir, au Red Hot and Blue Week-end, un festival annuel qui est maintenant étendu sur quatre jours.
« Ça faisait longtemps que je voulais faire un festival. À l’approche du 20e Rockabilly Jam, je me suis dit : O.K., je plonge j’essaie. »
Il n’y a donc pas eu de festival au printemps 2005, mais c’est à cette période, dans un festival de rock n’ roll aux États-Unis, que Nathalie voit sur scène The Comets, toujours formés des membres originaux des années 1950 tels Marshall Lytle et Franny Beecher – qui ont gravé tous les classiques avec Bill Haley, décédé en 1980.
« Quand je les ai vus, j’ai pensé les inviter, même si je me disais que j’étais « trop petite » pour les attirer à Montréal. J’ai été les rencontrer en coulisses, on s’est parlé et ça a marché. »
Le Red Hot & Blue sous la pluie
Le premier festival Red Hot and Blue a donc eu droit aux Comets… à Saint-Hyacinthe, car la productrice a besoin d’espace pour son événement liés aux vieilles voitures. Le soir du spectacle, c’est le déluge. Mais vraiment le déluge.
« On allait manger au Paccini du coin et je conduisais la mini-fourgonnette sous la pluie battante avec tous les Comets (de 71 à 84 ans) à bord, en me disant « ne fais pas d’accident! » Pas avec eux à bord! » (rire éclatant)
Rien de tout ça. Les papys ont médusé tous les fans présents : Lytle (72 ans, ce soir-là) a joué de la contrebasse allongé sur le dos et Beecher (84 ans!) a livré The House is Rocking, de Stevie Ray Vaughn, comme s’il était Stevie Ray Vaughn… Lors de cette heure mémorable, on a entendu Rock Around the Clock, See You Later Alligator, Rip This Joint et toutes les autres tubes pour la première et unique fois de notre vie avec les vrais créateurs devant nous. Historique.
Nathalie Lavergne a maintenu le cap. Les années suivantes ont vu le retour de Wanda Jackson (cette fois au Lion d’Or), la présence de Sonny Burgess (80 ans) et de Johnny Powers, également de Sun Records, de Huelyn Duvall ainsi que Slim Jim Phantom et Lee Rocker, les deux potes de Brian Setzer. Rocker était déjà la vedette de l’édition de 2009.
Les meilleurs souvenirs?
« En 2004, quand Wanda Jackson m’a demandé de venir chanter avec elle sur scène au rappel. Ce n’était pas prévu et je tremblais comme une feuille. Et en 2005, quand j’ai dansé avec mon père sur Rock Around the Clock jouée « live » par les Comets. Je pense qu’il était plus ému que moi. »
Et ça continue?
« Tant qu’il va y avoir du monde et que les gens vont vouloir entendre du rockabilly. »
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Le festival Red Hot & Blue, au Rialto, les 29, 30, 31 août.