Salomé Leclerc : entre le calme (magnifique) et la tempête (maîtrisée)

Photo courtoisie Francos/Frédérique Ménard-Aubin

Photos courtoisie Francos/Frédérique Ménard-Aubin

Si vous êtes abonnés à Facebook, il est possible que vous ayez vu passer depuis trois semaines le contenu publicitaire de Salomé Leclerc, où elle disait : « Je m’en vais me perdre sur un lac pour les prochains jours. J’espère que la pêche sera bonne. Je pose ça ici et au retour, je mets le cap sur le 18 juin. On se retrouve à l’Astral pour les Francos de Montréal. Yo ».

Par Philippe Rezzonico

L’annonce virtuelle a peut-être permis de grossir le volume d’amateurs qui était très imposant dans la salle de la rue Sainte-Catherine mardi soir, mais il était inutile dans mon cas. J’avais entouré la date du calendrier depuis l’annonce du concert.

Depuis Sous les arbres paru au début de l’actuelle décennie, Salomé Leclerc n’a cessé d’évoluer et de peaufiner son art au point où ses prestations scéniques ont atteint un équilibre parfaitement dosé.

Les extrêmes

L’autrice-compositrice-interprète oscille constamment entre le calme et la tempête. Parfois, au sein d’une même composition. Les choses extérieures, chanson-titre de son troisième disque, a ouvert le bal en douceur. En mode guitare-voix. Bon, guitare électrique, quand même… Mais tout en délicatesse. Joli guet-apens musical, en vérité.

Pour l’offrande suivante, Philippe Brault (basse et contrebasse), José Major (batterie), Audrey-Michèle Simard (voix, percussions) et deux violonistes sont venus la rejoindre sur les planches.

La lente et irrésistible montée en puissance de Arlon – ma préférée de l’album 27 fois l’aurore – a commencé à prendre forme avec une guitare rugueuse qui partageait le terrain de jeu avec des cordes incisives. Mais nous n’avions encore rien vu. Ou plutôt, rien entendu.

Pour Entre ici et chez toi, la guitare de Leclerc avait cette fois tout de la tronçonneuse au sein du martèlement dynamité de la section rythmique qui semblait traverser l’orage de notes générées par les cordes. Un pur régal de cohésion et de spontanéité, tout à la fois.

Salomé-PhilippePuis, retour au calme avec l’hypnotisante Love naïve love, un partage uniquement entre guitare et batterie, avant de savourer jusqu’à la dernière goutte l’interprétation de Vers le Sud, lorsque Leclerc perçait la noirceur de L’Astral avec un unique faisceau braqué sur elle.

Dans cette séquence de chansons impeccablement enchaînées, le motif rythmique de Major a été l’élément central de La fin des saisons où la cohabitation de tous les instruments s’est avérée aussi originale que complémentaire.

La musicienne aime les partages d’art. C’est un livre qui l’a inspirée pour Entre parenthèses, elle l’a donc liée à une autre œuvre d’art, la mémorable Famous Blue Raincoat de Leonard Cohen. Très réussi.

Après cette accalmie, il fallait finir en force et le doublé coup de poing formé par Le mois de mai – véritable char d’assaut musical – et Nos révolutions était du tonnerre.

Pour le rappel, retour au point de départ avec Ton équilibre et Partir ensemble. On rentre au port sur une eau limpide…

Voix juste, pop alternative de haut niveau, textes plus personnels que jamais, musique envoûtante ou tranchante, Salomé Leclerc a atteint un niveau de maturité qui la place parmi les meilleures autrices-compositrices et interprètes de sa génération.

Et vous aurez l’occasion de mesurer tout cela cet été lors de sa tournée estivale si vous n’étiez pas à L’Astral mardi soir.