The Breeders : nostalgie conjuguée au présent

The BreedersTrès souvent, lorsque l’on va voir en concert un groupe qui a trois décennies de vécu, c’est généralement pour les vieux succès. Ce ne fut pas du tout le cas pour moi, samedi, pour le retour des Breeders à Montréal.

Par Philippe Rezzonico

Il va de soi que bien spectateurs qui ont rempli le théâtre Corona à ras-bord y allaient pour entendre des tas de chansons de Last Splash, disque-phare du band américain formé de Kim et Kelley Deal, Josephine Wiggs et Jim MacPherson. Pour ma part, j’ai été drôlement gâté relativement à ce disque.

J’ai assisté à la tournée originale de l’album au Spectrum en novembre 1993, quand le groupe était au sommet de sa forme, j’ai vu la version « festival » de cette même tournée l’année suivante, quand la Lollapalooza a fait escale chez nous, et j’étais parmi les nostalgiques à entendre l’album en entier et en séquence au Festival Osheaga, en 2013.

Bref, hier soir, j’allais voir surtout voir les Breeders pour entendre de nouvelles chansons de leur cru pour la première fois depuis un quart de siècle. Au fil d’arrivée, ce fut pas mal match nul. Nous avons eu droit à presque autant de chansons du tout nouveau All Nerve que de Last Splash, ce qui représentait les trois quarts de la prestation.

Par moments, la palette sonore des Breeders cuvée 2018 est très similaire à celle de leurs débuts. Interprétée tout de suite après l’immortelle New Year en ouverture, la toute fraîche Wait In the Car possède le même punch que les chansons les plus vivifiantes du passé. All Nerve, la chanson-titre, est pour ça part plus proche des chansons torturées d’antan.

Avec la dissonante No Aloha et l’irrésistible Divine Hammer tout de suite après, les sœurs Deal et leurs collègues ont contenté toutes les générations d’amateurs durant les 20 premières minutes. Ça aurait encore mieux n’eut été du temps perdu entre chaque chanson pour changer de guitare et s’ajuster, ici et là, comme si on avait affaire à une groupe débutant.

On a rapidement compris que les nouveaux titres n’étaient pas encore maîtrisés sur scène autant que les anciens, ce qui est logique quand on sait qu’All Nerve est le premier disque de nouveau matériel en 10 ans des Breeders, mais surtout le premier album avec les quatre musiciens ensemble… depuis Last Splash.

Kim était radieuse, Kelley – dont j’adore la nouvelle coupe de cheveux – était appliquée comme jamais, Josephine était aussi impassible et qu’efficace, tandis que le grand Jim avait sa puissance et sa fougue habituelle.

N’empêche, les nouveaux titres n’ont pas tous l’apport mélodique des anciens. C’était particulièrement évident lors d’une séquence où Safari – qui remonte à 1992 -, a joué à saute-moutons avec la nouvelle Space Woman (excellente), le classique Drivin’ On 9. Cela dit, si elles sont globalement moins faciles d’approche, la majorité des chansons d’All Nerve valent le détour.

Rassurés, nous pouvions collectivement replonger dans le passé sans crainte d’être taxés de vieux croulants. Quoique, il y avait aussi des jeunes milléniaux en grand nombre lors de cette soirée.

Le doublé coup de poing formé de I Just Wanna Get Along (avec Kelley au chant) et de Cannonball a mis le feu au Corona. Cette dernière a mené à un mosh pit au milieu du parterre où tout le monde se rendrait dedans.

Josephine a aussi partagé le chant pour Metagoth avec Kim, au moment où les deux femmes ont échangé leurs instruments. C’est à ce moment que je me suis souvenu que Kim Deal est une bien meilleure bassiste que guitariste… Mais c’était aussi pour préparer le terrain pour Gigantic, des Pixies, groupe mythique dont Deal était la bassiste.

Après le triplé de Saints, de Nervous Mary et de l’essentielle Do You Love Me Now? au rappel, on a quitté en se disant que, oui, on aime encore ce groupe.

Et, en définitive, quel bonheur de passer une soirée complète à entendre les guitares saturées et dissonantes des Breeders et de Melkbelly, qui assurait la première partie. De ça, j’admets, il m’arrive d’être nostalgique en 2018.