Alain Souchon aux Francos : au nom du père et des fils

Alain Souchon et ses fils Ours (Charles) et Pierre/Photo Victor Diaz-Lamich/Courtoisie Francos

Il y a des concerts farcis de grands succès, des spectacles hommages, des shows acoustiques et même des virées familiales comme Mathieu Chédid l’a fait il y a plus d’une décennie aux Francos de Montréal. La prestation d’Alain Souchon, vendredi soir à la salle Wilfrid-Pelletier, cochait toutes ces cases.

Par Philippe Rezzonico

Pour les grands succès, pas de problème. Le nombre de tubes proposés était copieux à souhait. L’enrobage, lui, était minimaliste : piano, guitares, claviers, et encore, pas toujours en même temps. L’hommage et la famille, eux, étaient intimement liés par la présence des fils de Souchon qui rendaient un peu beaucoup un hommage à leur paternel de 81 ans.

Durant deux heures et dix minutes sans entracte, le trio s’est avéré complémentaire au plan vocal, instrumental et narratif, dans ce dernier cas, avec humour et convivialité. C’était comme si 3000 personnes étaient invitées à une réunion de famille où l’on apprenait des tas de choses sur leur passé, images d’archives en prime.

Ce sentiment familial s’était imposé d’entrée de jeu en première partie avec Jeanne Côté et son batteur. L’artiste originaire de Petite-Vallée a parlé de son lieu d’attache et de ses 150 habitants comme s’il étaient tous des membres de sa famille entre ses chansons bien charpentées qui, elles aussi, racontent des histoires.

«J’ai eu un problème de babysitter», a lancé Souchon pour expliquer la présence de ses fils,  donnant ainsi le ton à l’ambiance bon enfant qui a prévalu toute la soirée. Pierre Souchon, aujourd’hui jeune quinquagénaire, a été celui des frangins qui a été le plus loquace en parlant du passé de la famille évoquant un passage à Londres quand Alain était avec sa «copine anglaise» (Jane Birkin), ce qui nous a permis d’entendre Comédie, que les deux artistes partageaient dans le film du même nom dans les années 1980.

Les harmonies étaient au rendez-vous en trio (La p’tite Bill, elle est malade, Le marin) et le propos pouvait être socialement (Petit tas tombé) ou politiquement engagé (C’est déjà ça). Souchon n’ayant jamais été un Aznavour ou un Brel rayon puissance vocale dans sa jeunesse, cela lui permet de livrer plus qu’honnêtement ses chansons qui couvrent six décennies, mine de rien.

Photo Victor Diaz-Lamich/Courtoisie Francos

Rayon survol de carrière, les Souchon ont ratissé large dans la «piscine de 300 chansons» de leur père qui était à leur disposition. On est remonté aussi loin qu’au premier succès (J’ai dix ans) dans les années 1970 et à la chanson (S’assoir par terre) que Souchon a présentée à des dirigeants d’une compagnie de disques pour se faire connaître – pas un bon choix, selon lui –, jusqu’à Âme fifties (2019), la plus récente.

Entre ces extrêmes, il y a eu des tas de textes et d’airs qui ont fait époque : Somerset Maugham (chaudement applaudie), Ballade de Jim (tragique), Le baiser (superbe), La vie ne vaut rien (irrésistible), Rame (géante), Et si en plus y’a personne (coup de cœur absolu).

On a aussi eu droit à une chanson magnifique d’Ours (Les montagnes de Corée) et une de Pierre (Pareil jamais), qui a souffert d’un piano non-coopératif, mais qui a démontré l’étendue de la répartie des membres de la famille. Finalement, Karin Redinger, de Laurent Voulzy, compagnon d’armes mélodique et musical d’Alain, dont la prestation enregistrée était en parfait synchronisme avec le chant de la famille Souchon.

Alain Souchon et Ours (Charles)/Alain Souchon et Ours (Charles)/Alain Souchon et Ours (Charles)/Photo Victor Diaz-Lamich/Courtoisie Francos

En raison du parti-pris acoustique, ça menait à l’occasion à des offrandes dont la coloration était différente des versions studios. Pas une mauvaise idée, finalement : les textes finement ciselés et la poésie étaient bien à l’avant-plan avec une instrumentation souvent plus organique que celle d’antan.

Cela dit, acoustique ne veut pas dire pépère. Poulailler’s Song, L’amour à la machine et l’im-men-se Foule sentimentale ont été propulsées par des guitares entraînantes et un Souchon père qui était passé de son petit côté taquin à son mode adolescent hyperactif qui sautillait partout.

Quand Souchon père a conclu la soirée seul avec sa guitare avec Allô maman bobo, pas mal tous les gens qui remplissaient la grande Wilfrid du parterre au balcon ont dû se dire que nous venions d’assister à un moment unique dans la longue carrière du chanteur qui a ravi sa famille élargie d’un soir.