
Il y a des concerts, des tours de chant, des récitals et des performances, mais il y a aussi des immersions. C’est exactement ce qu’a proposé Rhiannon Giddens, jeudi, lors de la première soirée de la 45e édition du Festival international de jazz de Montréal.
Par Philippe Rezzonico
Il faut dire qu’elle n’était pas seule, la formidable chanteuse, autrice-compositrice et multiinstrumentiste (violon, banjo). Elle avait amené avec elle au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts sa famille et sa bande de copains (Old-Time Revue) pour un voyage dans son Amérique musicale aux racines profondes.
Il faut dire qu’elle n’était pas seule, la formidable chanteuse, autrice-compositrice et multiinstrumentiste (violon, banjo). Elle avait amené avec elle au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts sa famille et sa bande de copains (Old-Time Revue) pour un voyage dans son Amérique musicale aux racines profondes.
Durant près de deux heures, avec Dirk Powell (guitare, accordéon, violon) et sa fille Amelia Powell (guitares), Justin Robinson (violon, banjo), Jason Sypher (contrebasse) et le rappeur Demeanor (joueur d’os), qui est son neveu, l’artiste originaire de la Caroline du Nord a chanté, joué et même gigué au sein de duos, trios, quartettes, quintettes et sextettes au gré des œuvres proposées.
À l’écoute des reprises d’Elizabeth Cotton (Freight Train, Shoot That Buffalo), d’Etta Baker (Marching Jaybird), Merle Haggard (Somewhere Between), de la famille Carter (God Gave Noah the Rainbow Sign), de nombreux titres en français et d’une poignée de chansons de Giddens, nous avons pratiquement vu autant qu’entendu toutes les Amériques qui comptent pour cette dernière.

Ici, l’impression de marcher sur une ferme et d’humer les bottes de foin avant d’aller se promener dans un rang de campagne. Là, de respirer le grand air, de sentir le vent dans son visage et de voir des chevaux galoper dans la prairie en entendant des chants d’une autre époque. Tantôt, le sentiment de ressentir la chaleur moite qui prévaut avec un chien allongé sur la galerie, avec, en bruit de fond, le chant des oiseaux, dans le contexte narratif des chansons. Le fait que Giddens, Amélia Powell et Demeanor étaient nus pieds sur scène semblait encore plus enraciner les œuvres à la terre.
Même dans une salle – trop – climatisée à Montréal, Giddens nous a offert une prestation presque sensorielle sur ses sentiers de terre et de pierre qui jalonnent son parcours musical. Appalaches, Caroline du Nord, Louisiane : nous y étions avec eux. Nous avons même eu droit à une escale au Nigeria…
Si l’Américaine nous a ébloui avec quelques-unes de ses envolées vocales qui ressemblent à la quintessence de ce que serait un croisement entre la soul, le blues et le gospel, elle a fait aussi la part belle à ses compagnons de route qui ont pris le devant du micro ou qui l’accompagnaient lors de portions harmoniques divines.

Artiste engagée, elle a souligné durant les rappels les différends qui opposent le président de son pays au premier ministre du nôtre avant de livrer avec Dirk Powell, en mode guitare-voix, une version sublime d’Un Canadien errant qui a été saluée par une ovation.
«Be kind» (soyez gentils) envers les uns et les autres, a-t-elle dit, avant de nous quitter. Chose certaine, tout le monde était plus heureux en sortant de la salle.