
La chaise basse, le trépied pour la guitare et la petite table avec la lampe s’imposent comme le nez au milieu du visage. Forcément, il n’y a rien d’autre sur le joli tapis rouge posé sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier en attente de Natalia Lafourcade. Comme si on voulait s’assurer que toute notre attention allait être posée exactement à cet endroit.
Par Philippe Rezzonico
Ce fut exactement ça. Durant près de deux heures, les yeux des spectateurs massés à la PdA n’ont regardé qu’en direction de la chanteuse, guitariste et autrice-compositrice mexicaine, comme si le monde avait cessé d’exister.
Remarquez, cette mise en scène sobre et tendant vers le minimalisme a encore été accentuée par les éclairages qui, très souvent, se résumaient à un faisceau de lumière monochrome (rouge, blanc) braqué sur l’artiste dont les doigts voguaient sur le manche de sa guitare.

Arrivée au son d’une musique solennelle en pointant une fleur vers l’assistance qui l’applaudissait à tout rompre, Natalia Lafourcade a instantanément transporté tout le monde dans son univers avec une interprétation d’une Cancionera d’une douceur et d’un raffinement exquis.
Celle qui avait reçu le prix Antônio-Carlos-Jobim remis par le FIJM, jeudi soir, lors de sa première prestation, a enchaîné les titres avec une voix qui porte et une dextérité exemplaire. Pour les très nombreux férus de son répertoire qui l’avaient vu avec son groupe, l’écart était probablement plus marqué entre les versions studios et celles, dépouillées, entendues vendredi. Mais pour le chroniqueur qui la voyait sur les planches pour une première fois, nul doute que ce qu’elle a proposé tient parfaitement la route dans sa mouture la plus épurée.

Lafourcade s’est exprimée presque exclusivement en espagnol à son auditoire dont le tiers, peut-être la moitié, était composé de gens parlant cette langue, du moins, à entendre les réactions. Si j’ai parfaitement compris qu’elle était honorée d’avoir été invitée au Festival international de jazz de Montréal dans la langue de Cervantès, j’ai complètement raté toutes les nombreuses anecdotes et blagues qui ont ponctué ses introductions.
Aucune importance tant sa prestation coulait de source et devenait de plus en plus participative auprès du public. Des refrains et même des couplets entiers ont été repris au vol par la foule. On avait même quelques admirateurs qui auraient fait de dignes mariachis.
De mon point de vue, c’était comme assister à la version solo de Jean Leloup dans cette même salle il y a plus d’une décennie, soit, se retrouver avec des admirateurs de longue date d’une artiste qui décide de se produire d’une manière différente.

Évidemment, l’insertion de La Bamba et l’interprétation de Cucurrucucu Paloma ne pouvait échapper à aucune oreille, mais c’était magique de se laisser porter par le rythme et les mélodies de chansons moins familières.
Comme elle l’a souligné elle-même en fin de concert, la musique – et ce qu’elle apporte au cœur et à l’âme – est universelle et nous en avons eu tout un exemple avec la Mexicaine.