
En cette période où les FrancoFolies battent leur plein à Montréal, il y a eu quelque chose comme une invasion britannique, mardi soir, au Centre Bell. Pas celle menée par les Beatles et les Stones durant les années 1960, mais celle qui a déferlé au début des années 1980 avec des tas de groupes engliches dotés de nouvelles sonorités.
Par Philippe Rezzonico
Au menu en tête d’affiche, les Écossais de Simple Minds, mais ils n’étaient pas seuls. Disons qu’on en a dansé un coup.
Modern English
Dès 19h, les gars de Modern English se sont pointés devant une foule encore clairsemée, mais ils ont sérieusement accaparé l’attention. Avec des chansons d’une autre époque (Gathering Dust, Swans on Glass, Hands Across the Sea, Someone’s Calling) et même récentes (Long in the Tooth), la bande à Robbie Gray a démontré l’étendue de son expérience. Il fallait voir le chanteur inciter la foule à réagir et à participer à la fête. Trente minutes bien tassées qui se sont terminées avec une électrisante version de leur plus grand succès, I Melt with You, durant laquelle un bon nombre de spectateurs ont repris la chanson en chœur devant les Anglais ravis. Excellente mise en bouche.
Quarante-deux ans plus tard…
La présence de Soft Cell à Montréal tenait de l’événement en soi, voire, du miracle. Le duo formé du chanteur Marc Almond et du claviériste David Ball n’était pas venu en ville depuis un passage au Spectrum en 1983.
«Nous sommes finalement de retour au Canada!» a d’ailleurs lancé Almond à la foule lors de son arrivée sur scène avec Ball et deux choristes.
Tout ce beau monde a lancé la prestation avec Memorabilla, une chanson qui avait cartonné dans les clubs au début de leur carrière, mais pas sur les palmarès, à laquelle le duo a greffé Into the Groove, de Madonna, et Turn the Beat Around, de Vicki Sue Robinson. Bonne mise en bouche qui nous rappelait comment Soft Cell pouvait exceller il y a 45 ans.
Rendu là, il y a probablement deux écoles de pensée. Ceux et celles qui ont dansé par pur plaisir et nostalgie sur tout ce que Soft Cell proposait et les autres qui se sont dit que, ma foi, ça sonnait mieux sur disque dans le temps. Torch a été fort honnête, mais a démontré les limites vocales de Almond, Nostalgia Machine a été torpillée par deux interruptions dû à des ennuis techniques, Say Hello, Wave Goodbye n’a pas eu la portée espérée, tandis que Bedsitter, elle, a été très réussie. Bref, Inégal.
Mais je ne crois pas me tromper en disant que la majorité des spectateurs était là pour entendre Tainted Love. C’est d’ailleurs le moment de la question digne de Ciné-quiz de 1981 : qui a enregistré la version originale de Tainted Love? Si vous savez qu’il s’agit de Gloria Jones, en 1964, vous gagnez mon estime éternelle.
Et celle-là, elle a été à la hauteur, avec son intro reconnaissable à des lieux à la ronde. Qui plus est, elle a fusionné avec Where Did Our Love Go des Supremes, avant de boucler la boucle. Pendant près de dix minutes, le Centre Bell était la meilleure piste de danse en ville.

Explosif Simple Minds
Trente minutes plus tard, Simple Minds a littéralement pris d’assaut la scène avec une version de Waterfront qui avait tout d’un tsunami, pour enchaîner avec la fédératrice Love Song qui a tout balayé sur son passage. L’ovation de près de deux minutes qui a suivi a visiblement ému Jim Kerr.
«Vous allez faire monter l’émotion chez nous», a-t-il lancé.
Kerr n’a plus sa longue crinière ni sa taille longiligne de ses 20 ans, mais pour ce qui est du timbre, de la puissance vocale et de la flexibilité, le chanteur âgé de 65 ans tient encore la route pas pour rire.
En fait, le Simple Minds des dernières années me semble supérieur à celui d’il y a plus d’une décennie. Comme si le groupe qui se produisait dans des salles comme le Métropolis durant les années 2010 avait trouvé un nouveau souffle depuis qu’il a retrouvé le chemin des arénas. Le band m’avait jeté sur le cul à Auckland, en Nouvelle-Zélande, en 2017, et le sentiment était le même mardi soir.
Kerr et le guitariste Charlie Burchill – seuls membres originaux – se sont entourés de musiciens chevronnés depuis des années auxquels se sont joint leur définition de «Girl Power», soit la dynamo Cherisse Osei à la batterie ainsi que Sarah Brown à l’apport vocal.

Et puis, il faut admettre que Simple Minds a un lot impressionnant de chansons qui ont fait époque, que ce soit Glittering Prize, Once Upon a Time, New Gold Dream (81-82-83-84) et la mirifique Someone Somewhere in Summertime que Kerr a dédié à tous les fans de longue date du groupe qui a toujours eu un soutien inconditionnel du public montréalais depuis ses débuts.
Comme cette tournée a été nommée Alive and Kicking – référence à la chanson du même nom parue il y a 40 ans sur l’album Once Upon a Time -, on a eu droit à tout l’essentiel de ce disque, sauf Ghost’s Dancing : Alive and Kicking, All the Thing She Said et une version jouissive à rallonge de Don’t You Forget (About Me) ont fait chavirer les quelque 9000 personnes présentes sur place dans quelque chose qui ressemblait à de l’allégresse.
Le genre de moment qui rappelle aux spectateurs pourquoi on adore la musique et qui rappelle aux musiciens pourquoi, un jour, ils ont décidé d’en faire leur mode de vie.
