Anthony Kavanagh joue à domicile: entre l’ovation et le banc des punitions

Anthony Kavanagh fait son grand retour au Québec avec son spectacle AK joue à domicile. Photo courtoisie Pierre-Luc Dufour.

Anthony Kavanagh en avait des choses à dire, jeudi, lors de la première montréalaise de son spectacle Anthony Kavanagh joue à domicile. Des choses amusantes, des bonnes et parfois des moins bonnes… Pas de quoi faire honte toutefois à Gregory Charles, Corneille ou Luck Mervil avec qui le public aurait pu un jour le confondre, comme il se plait à lancer à la blague. N’empêche, si ce One man show semble plus de son temps que l’était le précédent, il souffre quand même d’un certain décalage.

Par Pascale Lévesque

Pour Joue à domicile, Kavanagh a mis les efforts pour de ne pas répéter l’erreur de AnthonyKavanagh.com, présenté en 2008, alors qu’il avait adapté son matériel français pour le Québec. Le résultat est supérieur et, dans l’ensemble, une fois le rideau tombé après les quatre chansons faites en rappel par l’humoriste, on a le sentiment d’avoir passé une très agréable soirée.

D’emblée, l’humoriste est heureux d’être là, sur scène, à partager avec son public de Montréal. Sentiment qui émane d’autant plus lorsqu’il se met à improviser et à faire toutes sortes de digressions pour alimenter la foule qui en redemande. C’est particulièrement vrai dans ce numéro où il filme la salle avec son téléphone cellulaire, prétexte à conserver un souvenir vidéo de cette première.

C’est sans doute cette attitude qui lui sied le mieux, tout comme le découpage du spectacle, clairement structuré en une dizaine de numéros. Mais lorsqu’on s’attarde à ceux-ci, aux textes et sa livraison, ce qu’on a vu jeudi est loin d’être une œuvre achevée.

Soit Kavanagh tente quelque chose d’original et perd sa fluidité habituelle lorsqu’il livre son texte, comme en font foi cette excellente introduction où il se met constamment les pieds dans les plats en insultant maladroitement tout ce qui bouge sur terre, ou encore cette tentative très drôle d’expliquer la gauche, la droite et le centre… Soit il nous en met plein la vue en misant sur des clichés et du déjà-vu. Que doit-on privilégier? L’efficacité au détriment de la profondeur? Ou un discours politisé et des exercices de style au détriment de la livraison?

Les cibles féminines

Chose certaine, il est regrettable d’avoir choisi de parsemer ce spectacle de gags faciles, voire même complaisants avec le public, taquinant des cibles qui sont récurrentes en humour et qui font rire à coup sûr. Rien de mal si l’objectif est atteint, mais pourquoi s’en contenter?  Ce décalage est particulièrement agaçant lorsque Kavanagh prend les femmes comme cible, multipliant les références usées, superficielles et à la limite sexistes.

La femme qui peine à suivre un GPS, Michèle Richard qui se laisser aller sur un tapis, une allusion au physique imposant de Marie-France Bazzo et autres comparaisons peu flatteuses aux endroits de Pauline Marois et Françoise David ne sont que quelques exemples de ces blagues agaçantes.

Blagues faites sans aucun doute sans malice par l’humoriste, mais c’est justement ce qui dérange le plus. Le fait que ce soit si naturel de traiter les femmes de « nounounes » ou de folles, qu’on ne désamorce jamais, qu’on ne s’attarde pas à rire des réels travers féminins en 2012, mais qu’on se moque plutôt de ce qu’on a toujours présumé (ou imaginé) être ces travers typiquement féminins. En d’autres mots, si tu t’arranges pour rire des filles, ne te contente pas de le faire en running gag, fais-le en profondeur à propos de quelque chose de vrai.

À la lumière de son discours, on pourrait croire que Kavanagh est peut-être trop imprégné de la culture européenne pour être capable de faire une lecture juste de l’évolution dans le comportement des hommes et des femmes du Québec. À l’épicerie, notamment, où, comme le suggère l’humoriste tout un numéro durant, les hommes deviennent semblables à des zombies tellement ils ne savent pas s’y retrouver (sauf dans le frigo à bière, bien sûr, où les femmes sont complètement perdues). Vraiment?  Si c’est la réalité, devons-nous assumer que Ricardo, Louis-François Marcotte, le « Cuisinier rebelle », Stefano Faïta et Daniel Vézina aiment se faire violence?

L’humour gestuel

Dramatique? Non, mais il est normal d’être un peu déçu par les quelques blagues racoleuses qui parsèment cette performance d’une heure et demie sans entracte. Et cela, même si on comprend que ces amorces étaient souvent prétextes à Kavanagh de faire ce qu’il fait de mieux : soit de s’en donner à cœur joie dans l’humour physique et sonore en donnant vie à des personnages de toutes sortes. Le tout, d’ailleurs, judicieusement intégré à ses numéros de stand-up.

Kavanagh offre ici une réelle tentative de renouvellement sauf que le mouvement n’est pas complètement achevé. Il y a beaucoup de bonnes idées qui méritaient d’être développées plus avant, mais qui sont restées en plan ou qui ont été mal bouclées. L’humoriste est au sommet de son art au plan de sa forme, mais son contenu reste à peaufiner.

Cela étant dit, les fans de Kavanagh ne seront pas déçus de le retrouver avec ses mimiques délirantes et son talent pour le bruitage, ne serait-ce que parce qu’il a le don de faire corps avec la foule, d’être généreux et qu’il s’amuse délibérément avec elle.

Anthony Kavanagh joue à domicile, au Théâtre St-Denis II, le vendredi 28 septembre. Supplémentaire, le 22 mars 2013.