Le titre du plus récent disque d’Arno se nomme Brussld, à mi-chemin entre la prononciation phonétique de Bruxelles en anglais et un grommellement sonore. Sur scène, c’est exactement ça : ça écorche et ça rugit. Surtout quand la tête brûlée de la Belgique tient une forme de fin du monde.
Philippe Rezzonico
Affaire de famille, jeudi, à L’Astral. Comprendre, seul le parterre était rempli. Mais les spectateurs qui étaient là étaient des férus de l’artiste natif de la région d’Anvers. C’est peut-être la raison pour laquelle personne n’a sursauté quand Arno s’est amené pour livrer une version décapante de Brussels.
Groupe soudé, volume considérable et chanteur qui vide ses tripes. Il est comme ça, Arno. Quand une chanson nécessite une livraison musclée, il ne chante pas, il est à la limite du hurlement guttural. Et comme sa voix rauque depuis toujours est désormais éraillée sur les bords à l’âge de 62 ans, c’était souvent abrasif.
En fait, le Belge multilingue, assis ou debout, a passé la soirée à alterner les titres coup de poing chargés de décibels avec des chansons d’une beauté sensible. Dans le coin droit, jolie sonorité musette pour Mademoiselle, relecture brillante à dominance piano pour Get Up Stand Up et interprétation franche de Lola. Dans le coin gauche, montée en puissance pour l’arabisante Ça monte, guitares meurtrières pour See Line et piano halluciné pour Ratata qui a fait exploser la salle.
Arno danse, fait valser son micro, rue et s’offre même une sacrée passe aux cymbales durant sa mémorable Bathroom Singer. Tout ça doublé d’un sens de l’humour particulier.
Il parait que Elle pense quand elle danse (intense) a été composée pour l’ex-blonde de son fils, une jeune femme qui se promenait avec un sac en plastique sur lequel était inscrit « écolo». Il semblerait que Lola a été écrite pour sa grand-mère, une « salope avec de la classe », alors que Quelqu’un a touché à ma femme serait dédiée à ses deux tantes. Comme on disait plus haut : une affaire de famille.
Si certaines affaires semblent bien scénarisées, on sait tous que pour Les yeux de ma mère, ce n’est pas de la frime. Entendre « Dans les yeux de ma mère, il y a toujours de la lumière/L’amour je trouve ça toujours, dans les yeux de ma mère » frappe au cœur. Peut-être plus quand tu en as une de mère qui a conservé ce rayon de lumière. Grand moment d’émotion.
Ça tranche drôlement avec les folkloriques Putain Putain et Les filles du bord de mer, cette dernière se transformant en chanson à répondre avec la foule. Mais c’est ça, Arno. Et son public le connaît bien. Au point que personne n’a manifesté de désapprobation face à une performance divisée 50-50 anglais/français dans le cadre du Coup de cœur francophone. Que les gens de Québec qui accueilleront le Belge rebelle vendredi soir soient prévenus…