Il aimait tellement le Québec qu’il est venu s’y établir. Et il a tant d’amis ici que ces derniers accourent quand il leur demande de venir jouer avec lui. La combinaison de ces éléments a mené à la rentrée montréalaise de Daran, jeudi, au Rialto. Nouvelles chansons, vieux tubes, musiciens complices et plaisir palpable au menu.
Par Philippe Rezzonico
Modeste, le Daran. Il nous avait dévoilé la liste de ses invités (Louis-Jean Cormier, Marie-Jo Thério, Catherine Durand, Antoine Gratton) en entrevue il y a quelques jours, mais il ne voulait pas mettre d’emphase là-dessus, de peur qu’il donner l’impression qu’il se servait d’eux pour mousser sa rentrée. On pense qu’il n’avait rien à craindre tant les liens d’amitié avaient l’air solides sur les planches.
Ce nombre étonnant d’invités était une formidable valeur ajoutée à ce spectacle qui, mine de rien, roule au Québec depuis un petit moment. Daran dévoilait déjà en exclusivité des chansons de son disque L’homme dont les bras sont des branches aux FrancoFolies… de 2011. Et il y a eu le Lion d’Or, le lancement, les FrancoFolies de 2012…
Bref, si certains d’entre nous étions déjà en terrain connu, la présence d’artistes et le rapatriement d’anciens succès du Français immigré au Québec au sein de son spectacle apportaient une autre dimension.
L’autre dimension, Daran, le guitariste André Papanicolaou, ainsi que Guillaume (basse) et Marc (batterie) Chartrain l’ont visité assez souvent. Avec plus de 50 spectacles au compteur, le quatuor a une cohésion qui n’a d’égal que sa force de frappe.
Les claques
La guitare de Papanicolaou, véritable névrosé qui multiple les couches de guitares à un rythme fou, a souvent servi de rampe de lancement pour des classiques comme Augustin & Anita, des nouveaux titres tel Merci qui – qui s’est conclue en mode trash – et You’re Alive – tirée de la B.O. de Monsieur Papa – qui était délirante à souhait. Parfois, c’était Marc Chartrain qui tirait les marrons du feu, notamment sur Une caresse, une claque, qui reposait sur une batterie lourde.
Dans chaque cas, Daran ne perdait jamais le Nord, sa voix survolant le tout avec aisance et puissance. Le boxeur, Sur les quais et La machine, avec son tempo galopant, étaient impeccables.
Daran était comme dans son salon, ce qu’on comprenait d’emblée en raison des vieux abat-jours désuets des années 1970 et le gros sofa rembourré. Donc, ses invités lui rendaient visite, comme Louis-Jean Cormier, uniquement armé de sa guitare pour l’interprétation en duo d’Une sorte d’église.
Je ne sais trop si Cormier a eu la frousse quand Daran s’est assis dans le sofa. Durant un moment, on a eu l’impression qu’il allait laisser le chanteur de Karkwa interpréter tout seul la chanson à la guitare. Il n’en fut rien, la fusion des deux voix pourtant peu similaires se faisant sans heurts.
A l’inverse, Marie-Jo Thério et son accordéon ont rejoint Daran et ses musiciens pour partager Pas peur qui était charpentée comme un mur du son.
Les caresses
C’est probablement Quelque chose en moi qui fut la plus réussie, Catherine Durand faisant sienne la chanson au point qu’on avait l’impression que Daran et ses collègues l’accompagnaient et non pas l’inverse.
Au rappel, tout le monde a compris qui allait seconder Daran quand on a installé le piano aux paillettes disco.
« Antoine ! » a crié un spectateur, avant que Daran introduise Gratton.
« Non. Il y a d’autres artistes qui ont un piano comme ça… », a répliqué Daran.
Vêtu d’un complet et d’une chemise blanche, Gratton – sans sa fameuse étoile peinte sur le visage – est venu partager Le phare du four , qui affichait de fortes influences à la Ferré. On dit « partagé », car les deux hommes ont constamment chanté en alternance. Un partage de 50-50…
Chose rare, nous avons eu droit à deux versions d’un classique (Dormir dehors) lors du même spectacle. Celle de Daran, bien sûr, mais aussi celle de Paule Magnan qui assurait la première partie, elle qui a enregistré la chanson-phare sur son dernier disque, Futile résistance.
Au final, cette performance fut à la fois une caresse et une claque, preuve que le Français désormais Québécois a tout compris de la vie et de la scène.