L’affaire Dumont: cinéma vérité

Michel Dumont (Marc-André Grondin) a été faussement accusé de viol. Photo courtoisie Vivafilm

Purger une peine de prison laisse des traces profondes, peu importe le crime commis. Mais lorsque le séjour passé derrière les barreaux relève de l’erreur judiciaire, une vie entière ne servira pas à effacer cet affront.

Par Philippe Rezzonico

C’est ce qu’a vécu Michel Dumont, injustement déclaré coupable d’un viol qu’il n’a pas commis au début des années 1990. Il est sorti de prison grâce au travail acharné et opiniâtre de son épouse en 1997, il a été complètement innocenté de toutes les charges en 2001, mais jamais les autorités provinciales ne lui ont présenté des excuses ni versé une quelconque forme de compensation.

Pourtant, après avoir vu le récit de sa vie dans L’affaire Dumont, on se demande encore qui peut bien branler dans le manche. Ce film de Podz (Les 7 jours du taillon, 10 ½) n’est pas qu’un long-métrage, c’est un récit-vérité où l’absence de doute raisonnable n’a pas droit de cité. Le doute raisonnable envers le travail bâclé de la Justice, s’entend…

Histoire d’être le plus près possible de cette vérité qui crève les yeux du cinéphile, Podz a tourné toutes les séquences de son film qui se déroulent dans des lieux judiciaires en reproduisant textuellement les déclarations sous serment des témoins.  Impossible d’être plus précis et rigoureux.

Ton juste

Dans la peau de l’électricien devenu livreur de dépanneur dépassé par les événements, Marc-André Grondin (Dumont) offre une composition empreinte de retenue qui colle à la perfection à la personnalité de celui qui fut condamné à tort. Cela saute aux yeux quand on voit durant quelques minutes le vrai Dumont sortir de la prison en 1997, dans un document d’archives de Radio-Canada.

En se fondant complètement dans le décor, Grondin ne fait qu’accentuer le sentiment d’impuissance de cet homme broyé par le système. Cela fait d’autant plus ressortir la combativité de son épouse Solange (exceptionnelle Marylin Castonguay) qui a remué ciel et terre pour le sortir de là.

Marylin Castonguay est tenace à outrance dans le rôle de Solange, l'épouse de Dumont. Photo courtoisie Vivafilm.

Film lent mais intense, L’affaire Dumont est économe de mots. Podz (Daniel Grou) bâtit son film avec des silences pesants qui frappent fort. Notamment, la scène où les autres détenus qui ont tabassé Dumont réalisent qu’il n’est pas un violeur. Une seule réplique très courte en deux minutes pendant que la télévision relate les faits. Effet maximal. Une réalisation tellement aux antipodes de ce qu’on voit chez les Américains. Pas de musique tonitruante ou d’effets appuyés. Le récit, sans fard et sans ajouts. Cru.

Le plus triste, c’est de réaliser qu’en dépit de toute cette saga, Dumont attend toujours une compensation et que le véritable violeur n’a jamais été appréhendé. Au-delà de l’indiscutable qualité du film et du jeu solide de tous ses acteurs, c’est probablement la question qui hante tout le monde à la sortie du cinéma :« Et si ça avait été moi?

L’affaire Dumont, de Podz, avec Marc-André Grondin, Marilyn Castonguay, Sarianne  Cormier et Katleen Fortin. Présentement à l’affiche.

3 étoiles et demie