F*ck les variétés : Pas grinçant, mais plein de surprises

Bien moins grinçant que son appellation F*ck les variétés ! le laissait supposer, le gala Juste pour Rire animé par Mike Ward, mercredi, à la salle Wilfrid-Pelletier, n’aura pas été la patate chaude annoncée et appréhendée, mais aura permis à une foule de jeunes humoristes de faire la barbe aux vétérans.

Par Philippe Rezzonico

Dans la publicité annonçant les deux représentations (18h30 et 21h30) sur le site web de Juste pour rire (www.hahaha.com), on apprend que Ward et ses collègues vont nous « tuer », nous « achever ». Bref, que nous allons «mourir » de quelque chose. Notamment d’une « crise cardiaque ». J’ignore ce qu’a réservé la séance de fin de soirée, mais tout le monde est ressorti sain et sauf de la première médiatique tenue à 18h30.

Il y avait bien un tas d’humoristes décédés et charcutés comme si nous étions dans un épisode de Dexter dans la vidéo qui amorçait le spectacle (excellente idée), mais cet univers sanglant a rapidement disparu.

Le seul qui a constamment marché sur le fil du rasoir fut Maxim Martin. Entre ses constats sur le Québec d’aujourd’hui, les dangers des gaz de schiste (hilarant !), les pétasses d’Occupation double (salves d’applaudissement) et ce qu’est devenue la génération X dont il a fait partie, l’humoriste a osé remettre à l’index le sujet du docteur Guy Turcotte, déclaré non criminellement responsable du double meurtre de ses enfants.

La controverse avait explosé au visage de Martin Matte en 2011 quand il avait osé faire un gag sur le verdict du procès en question lors du gala des Français. Martin a réussi à s’attaquer au même sujet délicat durant plusieurs minutes sans déraper à en juger par la réaction extrêmement positive de la foule.

Ward et le conflit étudiant

C’était bien le seul numéro de la soirée que l’on peut qualifier de potentiellement explosif. Pour sa part, Ward s’est attaqué de front au conflit étudiant dans un monologue bien ficelé, mais il avait pris le temps de demander aux spectateurs qui était sympathisant « carré rouge » ou « carré vert ». Les premiers triplant le nombre des seconds, il avait les coudées franches.

Cela dit, Ward a beau être plus rouge que vert, il a parfaitement joué sur la dualité de sa position en expliquant qu’il était fier de voir les étudiants se tenir debout, jusqu’au moment où ces derniers bloquent le pont Champlain… quand il se trouve dessus. L’animateur a été particulièrement salaud lors de son numéro d’ouverture, tirant à boulets rouges sur Jean-François Harrison, Denis Bernard, les Lionnes et Ariane Moffatt. Je pensais entendre RBO quand RBO décidait d’être vraiment bête et méchant.

Ward n’aura toutefois pu éviter complètement la notion de variétés, ses collaborations partagées avec le Français Jérémy Demay et les Denis Drolet en souffrant le plus. Faux stand-up ou vraies variétés, les deux numéros n’ont jamais assumé leur genre et n’ont pas eu l’impact voulu. Pas plus que celui de Guillaume Wagner qui avait un bon filon avec la souveraineté mais qui est le plus souvent passé à coté de la cible.

Peter MacLeod ? Peut-être le numéro d’humour le plus insignifiant vu de ma vie… On va également passer sur le numéro de clôture entre Ward, Jean-François Mercier et Cathy Gauthier.

Le trio de choc de jeunes

En revanche, Korine Côté a été brillante et subtile au possible dans son numéro axé sur les technologies, ridiculisant la puissance infinie de Vidéotron et traçant un parallèle édifiant sur l’univers d’Apple (Mac, iPhone, iPad) et le snobisme des gens qui possèdent ces appareils.

Dans le genre verbo-moteur, Oilvier Martineau a fait mouche avec son personnage hyperactif qui tente de nous séduire avec son chant et sa guitare. Répliques lancées à la vitesse de l’éclair, réparties frondeuses et contact direct avec le public des premières rangées ont été son lot. Mais la finale a été encore plus étonnante quand Ward est venu saisir sa guitare et la fracasser sur la scène. « Va faire le gala de Gregory Charles si tu veux jouer de la guitare ! » a hurlé Ward.

Le coup de cœur? Peut-être bien la présence de l’Américain Godfrey qui est venu faire un numéro désopilant portant sur la sécurité dans les aéroports et les vestes de sauvetages dans les avions. Quand tu étais dans un avion trois jours plus tôt, il me semble que ce numéro a plus d’impact… Outre l’humour physique de sa part – fallait le voir se déplacer comme Scooby Doo -, l’intérêt se voulait la traduction simultanée en français sur les écrans.

Immigrant africain installé aux Etats-Unis, Godfrey s’est fait dire par ses potes qu’il n’était pas un « regular black ». Sa réplique, la meilleure de la soirée : « Aux Etats-Unis, il y a « Obama, Oprah et regular black.»