Avec ce retour marqué aux années 1980 qui teint l’année spectacle 2012, il ne fallait pas s’étonner de voir une tournée commune (Rock of Ages) mettant en vedette Def Leppard et Poison se pointer au Centre Bell., lundi soir. Nostalgie adolescente pour les uns, plaisir coupable pour les autres, le spectacle pourrait se résumer à un vieux slogan d’anti-sudorifique féminin : assez fort pour eux, mais conçu pour elles.
Par Philippe Rezzonico
Car Def Leppard, tête d’affiche de cette soirée qui mettait également en vedette Lita Ford, est l’un des bands rock qui attire le plus de filles après Bon Jovi. Ça tient plus à la nature de leur catalogue musical qu’à la personnalité des membres du groupe selon moi, mais le doute n’est pas permis.
Le nombre de jeunes femmes et de femmes ayant vécu leur adolescence à la parution de l’album Hysteria en 1987 doublait largement celui des hommes dans ce Centre Bell qui approchait les 10, 000 spectateurs.
C’était encore plus évident chaque fois que la bande à Joe Elliott amorçait ses ballades qui ont fait les beaux jours de la radio FM. Fallait entendre la réaction de la foule (lire, des femmes) dès que l’on entendait les premières mesures de Love Bites, Foolin’ et Bring On the Heartbreak. Devant moi, on voyait des blondes, conjointes ou épouses sauter dans les bras de leur aimé. Derrière, la rangée entièrement composée de femmes lâchait des cris stridents.
L’amour rupture
Sentiment renforcé durant la portion acoustique où Elliott et ses collègues ont pris place sur une grosse caisse d’équipement au devant de la passerelle. Tu en veux des chansons d’amour et de rupture à la sauce Def Leppard ? Rien que ça, avec l’enchaînement de Where Does Love Go When It Dies, When Love and Hate Collide, Have You Ever Needed Someone So Bad et Two Steps Behind. Des chansons dont les refrains étaient repris à l’unisson par la foule.
Def Leppard sait néanmoins comment frapper fort. Sur ce plan, les livraisons de Let It Go, Let’s Get Rocked et Pour Some Sugar On Me ont mené à de grands moments de foule et de liesse. Mais Def Leppard a aussi trop de chansons à tempo moyen, qui en dépit de l’enveloppe rock, laissent les fans de rock dans mon genre sur leur faim. Je pense à Women, à Hysteria – qui n’a rien d’hystérique -, ainsi qu’à Armageddon It et même Photograph, joliment animé par les photos des membres du groupe à travers le temps.
Des chansons taillées sur mesure pour les radios rock, mais qui sont déficitaires en spectacle, comme si Def Leppard n’osait pas ouvrir la machine. Ça faisait plutôt l’affaire de Elliott qui a pris du ventre ces dernières années et qui est le seul membre du groupe à ne plus afficher sa taille de vingtaine ou de trentaine. C’est d’ailleurs un peu gênant à côté du guitariste Phil Collen – constamment torse nu – qui a une forme de culturiste.
Énergie contagieuse
En fait, tout le contraste était là avec Poison qui a offert un set fiévreux et dynamité au possible. Il y a bien longtemps que j’ai perdu le fil des albums du groupe qui a franchi le quart de siècle, bien avant que Bret Michaels ne participe à – une autre – émission de télé-réalité tape-à-l’oeil.
Sauf que Michaels a chanté, dansé et harangué la foule comme si c’était son dernier spectacle. On présume que depuis qu’il a frôlé la mort en 2010, il estime que chaque journée et chaque spectacle supplémentaire sont des cadeaux du ciel. Heureux comme pas un, il n’a cessé de faire des high five avec les spectateurs, ce que je n’ai pas vu Elliott faire une seule fois.
De Look What The Cat Dragged In jusqu’à Nothin’ But a Good Time, Poison a fait lever le Centre Bell d’un bout à l’autre durant une heure, chose rare quand on n’est pas la tête d’affiche. La foule connaissait les paroles sur le bout des doigts. Oui, les solos de guitare de C.C. DeVille et celui de batterie de Rikki Rocket sont complètement futiles, mais on ne peut douter une seconde du réel plaisir des vieux routiers à jouer le jeu des clichés.
Et quand Poison livre une chanson (Your Mama Don’t Dance) qu’Elvis jouait sur scène dans les années 1970, je suis pleinement heureux. Et quel performance à l’harmonica de Michaels durant cette livraison! Quant à Talk Dirty To Me, tout comme Pour Some Sugar On Me pour Def Leppard, elle relève du plaisir coupable. Et elle fut plus trash que tout ce que DL nous a offert.
Finalement, ce fut un show pour filles qui convenait aussi aux gars. Et si les filles venaient pour Def Leppard et sont reparties pleinement satisfaites, avouons-le – et écrivons-le -, lundi, pour certains gars, Poison a volé le show à Def Leppard.