Festival Osheaga (2009 à 2011) : l’ascension

Chris Martin et Coldplay, les sauveurs. Photo d'Archives/Annick MH De Carufel

Le Festival Osheaga, qui célèbre son 10e anniversaire ce week-end, est né à un moment où Montréal était déjà surnommée « la ville des festivals ». Était-il nécessaire? Indiscutablement. N’importe quel amateur sérieux de musique voyait ce qui se passait ailleurs (Angleterre, Europe, États-Unis) et souhaitait l’apparition d’un festival de musique du même genre où, justement, bien des genres y seraient représentés.

Par Philippe Rezzonico

On le sait, l’aventure n’était pas gagnée d’avance. Mais l’édition 2015 sera la quatrième à afficher salle comble depuis 2012. Retour exhaustif, mise en contexte et survol des coups d’éclats et des ratés pour les années charnières de 2009 à 2011.

2009 : Coldplay, le sauveur

Le contexte : La quatrième présentation d’Osheaga survient alors que Heavy MTL, qui a eu lieu une première fois en 2008, n’est pas de retour en 2009. Des temps difficiles? Il faut donc être rassembleur.

Le chiffre : 30 000 spectateurs. Uniquement pour le premier soir du festival, le samedi. Deux raisons : pas moins de 11 000 billets vendus à la porte en cette magnifique journée d’été et la présence de Coldplay en tête d’affiche.

Le stunt publicitaire: Guillaume Lemay-Thivierge qui saute en parachute dans le lac durant la journée de samedi. Peut-être un coup d’éclat meilleur que son film à venir, finalement…. Significatif, quand même. Quand on commence à se servir d’un festival pour faire de la pub, c’est qu’il y a du monde dans le parc…

Le spectacle rassembleur : Il y avait eu un certain nombre de protestataires quand on a annoncé Coldplay : « trop mainstream », « on bafoue l’esprit – alternatif – du festival », etc, etc. C’est toutefois exactement l’électrochoc dont le festival avait besoin : une tête d’affiche internationale vraiment connue de tout le monde qui est au sommet de sa carrière. Soirée inoubliable, surtout quand on voit 60 000 mains en l’air simultanément – ou presque – lorsque Coldplay a interprété Viva la Vida.

La tragédie : The Beastie Boys qui annulent en raison du cancer d’Adam Yauch… qui allait en mourir.

Les valeureux remplaçants : Les Yeahs, Yeahs Yeas qui ont accepté de combler la case horaire des Beastie Boys et qui ont décapé la peinture. Karen O était dé-chaî-née!

Le coup de cœur : L’ensemble de la performance de ?uestlove avec The Roots.

Le constat : L’avenir d’Osheaga est assuré.

2010 : l’affluence assurée

Le contexte : Fort du succès de l’année précédente, le festival s’offre comme tête d’affiche Arcade Fire, groupe américano-canadien-québécois férocement indépendant qui a grandi à Montréal. Affluence assurée d’entrée de jeu.

La surprise (Weezer) : On les croyait finis. Ou, au mieux, dépassés. Après tout, c’étaient des « vieux », ces musiciens des années 1990. Mais ce soir-là, Rivers Cuomo a quitté la scène de la rivière, il a sauté au parterre dans la foule, il a grimpé dans les gradins VIP, bref, il a volé le spectacle à tous les artistes lors de cette édition, après que Metric, dans une forme du tonnerre, ait mis la table.

L’émergence du hip-hop : Il y avait bien eu quelques artistes vaguement issus de la frange hip hop, ici et là, dispersés dans l’immensité de la programmation depuis les débuts, mais la participation de Snoop Dogg a été déterminante de l’évolution d’Osheaga.

En fin d’après-midi/début de soirée et en pleine lumière, nous étions plusieurs à anticiper une catastrophe, du genre… no show. Bien au contraire, le Snoop était en grande forme, en verve, en voix et son plaisir fut contagieux.

Le constat : Ce fut l’année où l’on a réalisé que l’on commençait réellement à se marcher sur les pieds sur le site.

2011: l’expansion

Le contexte : Le festival Osheaga propose désormais trois journées de programmation. Par ricochet, le site prend de l’expansion (estrades plus spacieuses, configuration améliorée, même la zone média double de volume, c’est vous dire…).

La déflagration Eminem : Dans la vie, il y a des spectacles et il y a des événements. Ce fut le cas de cette prestation d’Eminem qui a submergé le parc Jean-Drapeau. Foule monstre et refrains fédérateurs. Ce fut gigantesque.

La mauvaise case horaire : Le fait d’avoir trois jours de festival implique désormais d’avoir trois têtes d’affiche. On le sait, le Groupe Gillett en cherchait une autre qu’Elvis Costello pour seconder Eminem et The Flaming Lips. Il a échoué.

L’Elvis britannique a donc bouclé la soirée du samedi devant une foule qui fondait à vue d’œil pour aller voir Fucked Up, sur la scène des arbres. Dommage. Elvis a livré son meilleur spectacle à Montréal – et le plus rock qui soit – depuis la tournée Brutal Youth durant les années 1990.

Le spectacle de grands succès: The Tragically Hip a souvent été discutable quand vient le temps de calibrer sa séquence de chansons. Rien de tout ça, cette fois. Une heure de grands succès à fond la caisse. Boum!

L’extra-terrestre : Croisement entre Grace Jones et James Brown, Janelle Monae a eu l’effet d’une bombe.

Le constat: Le public cible du festival rajeuni à vu d’oeil.

Demain: les années de vaches grasses.