Francos 2013, Jour 3 : c’est la fête à Robert!

Lindberg, la folie, comme dans le temps. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

S’il est normal et essentiel qu’un festival comme les FrancoFolies nous offre des devoirs de mémoire avec des spectacles hommages rendus aux légendes disparues (Félix, Brel, Léveillée), il faut admettre que c’est vachement plus grisant d’assister à des spectacles de légendes vivantes. Et c’est d’autant plus vrai quand la légende en question a pour nom Charlebois.

Par Philippe Rezzonico

Charlebois, sa famille, ses amis, ses collègues québécois et français, ses musiciens ainsi qu’un tas d’autres vedettes présentes par la magie de la vidéo nous ont rappelés durant trois – très bonnes – heures à quel point le Garou original a été l’épicentre d’une révolution musicale au Québec.

Si, au cours des ans, on a parfois raté la cible avec certains hommages ou cartes blanches, ce 50 ans! a évité presque tous les écueils prévisibles en raison de sa formule. Comme l’avait fait Charles Aznavour lui-même pour ces 80 ans à Paris en 2004, la production mise sur pied par La compagnie Larivée Cabot Champagne plaçait Charlebois dans les rôles de maître de jeu, de collaborateur, d’accompagnateur ou carrément de spectateur, selon les besoins.

Le spectateur

Spectateur, quand il a regardé défiler durant dix minutes les hommages de près de 30 vedettes d’ici et d’ailleurs (Vigneault, Séguin, Vallières, Aznavour, Drucker, Renée Martel, Pierre Calvé, Les Cowboys fringants, Donald Tarlton, etc), bien installé dans un siège dans les premières rangées avant de monter sur scène et d’amorcer le spectacle avec C’est pour ça.

Spectateur, cette fois en coulisses, quand il a vu Ingrid St-Pierre livrer une version piano voix magnifique de Dix ans, Alain Lefèvre et Diane Dufresne partager une livraison intense de la chanson Le piano noir, et Pierre Lapointe, uniquement accompagné à la guitare de Daniel Lacoste, nous jeter sur le derrière avec une magistrale interprétation de Je reviendrai à Montréal. À couper le souffle!

Dans ce genre d’événement, le cahier de charges, pour reprendre l’expression du collègue Sylvain Cormier, peut être contraignant. Pas avec Charlebois qui chante ses monuments comme s’ils avaient été enregistrées la semaine dernière.

Les années n'ont pas alteré la fougue de Forestier de Charlebois. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

L’incontournable Lindberg avait toute sa fougue d’antan, Louise Forestier et notre frisé favori la livrant avec une énergie inaltérable. Fu Man Chu, avec Robert et Jérôme Charlebois vêtus du chandail du Canadien, a spontanément fait lever la foule. Et que dire du trio formé par J’t’aime comme un fou, Dolorès et Ent’Deux joints (« l’hymne des étudiants depuis 40 ans »), interprété ou partagé avec Les Trois Accords et Dumas –  smoking blanc et nœud papillon –, qui a soulevé Wilfrid-Pelletier à coups de jams de guitare.

Les copains d’antan

Si Charlebois respecte au plus haut point la jeune génération d’auteurs-compositeurs et interprètes du Québec, on sentait la profonde amitié avec les gens de sa génération ou de celle tout juste derrière lui.

Le lien génétique avec sa Louise de l’Osstidcho était palpable, la tendresse d’une Diane Dufresne qui l’embrasse comme une petite fille à la fin de Ne pleure pas si tu m’aimes était touchante et la complicité avec Michel Rivard durant La complainte du phoque n’était pas factice.

On était même à un niveau encore plus élevé avec le guitariste Michel Robidoux (un ami depuis 49 ans) durant Je rêve à Rio, ainsi qu’avec les potes de longue date d’outre-mer, les Français Alain Souchon et Laurent Voulzy.

Le Roi Robert. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

Avec classe, Charlebois est devenu accompagnateur le temps que Voulzy offre Belle-Ile-en-mer Marie-Gallante et que le trio entonne Foule sentimentale, de Souchon. Des ajouts pas prévus au programme, un peu brouillons, certes, mais qui prouvaient hors de tout doute que nous n’étions pas dans un spectacle figé offert à une gloire vieillissante et que la spontanéité était de mise.

Les trois hommes ont chanté conjointement Sensation avant que Charlebois ne livre Les ailes d’un ange, durant laquelle Souchon s’est offert la meilleure place en s’assoyant sur le piano.

Le roi Robert

En dépit de la présence de tous ses amis, Charlebois a su, comme d’habitude, être à la hauteur de sa légende : Mon pays est rentrée au poste, Ordinaire fut immense, J’veux d’l’amour a été déchirante et Te V’là a obtenu la neuvième des 11 ovations debout de la soirée.

Les ovations, justement. D’ordinaire (excusez le jeu de mots facile…), je déteste ses foules qui offrent des ovations à chaque chanson ou presque, comme pour se convaincre qu’ils assistent à un moment historique. Sauf que dans le contexte de cette célébration, ça tombait à point et ça va faire de meilleurs images pour la captation télévisée.

Sur ce point, la finale avec le retour sur écran vidéo a toutefois été un véritable désamorçage. On aurait dû garder ça pour le DVD qui va immanquablement suivre. Tout ne pouvait être parfait dans ce genre d’entreprise.

Le duo de Mme Bertrand entre Charlebois et Ingrid St-Pierre était sympathique, mais les deux voix ne sont pas idéales pour être fusionnées. Dumas aurait bien pu faire CPR Blues tout seul, et voir Souchon et Voulzy en arrière-plan pour Les ailes d’un ange, c’était du gaspillage. Finalement, je me dis qu’il était impératif d’entendre LA première chanson de Charlebois (La Boulé) dans un tel événement anniversaire, ce qui ne fut pas le cas.

Peu de bémols, finalement, pour ce qui a peut-être été le meilleur spectacle de catégorie « hommage » et « carte blanche » de l’histoire des Francos. La présence de la légende elle-même, ici, a fait toute la différence.