« Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux d’être avec vous ce soir », a lancé Jacques Michel au terme de la livraison dynamique de Un jour nouveau va se lever, vendredi, au Gesù, pour le premier de ses deux spectacles aux FrancoFolies de Montréal.
Par Philippe Rezzonico
Bien au contraire. On savait. Rarement ai-je vu un artiste livrer les salutations d’usage avec autant de véracité et d’engagement. Il ne s’agissait nullement d’une formalité. Il exultait, il vibrait, il irradiait la salle, le Jacques, sorti cette fois de sa retraite pour bien plus qu’un spectacle et quelques apparitions télé comme ce fut le cas il y a plus de dix ans.
Et ce plaisir pas loin d’être jubilatoire était drôlement communicatif auprès du public et ce, peu importe si le vétéran ressortait un titre archi-connu ou une belle oubliée de son répertoire.
D’autant plus que Michel tient la forme. Voix encore souple et puissante, timbre intact, le tout, jumelé à une énergie qu’envieraient bien des hommes de 73 ans.
C’est le genre de spectacle où l’on réalise qu’une grande chanson, même si elle n’a pas été entendue depuis des décennies sur scène ou à la radio, conserve toute sa puissance d’évocation auprès de ceux qui l’ont entendue un jour ou l’autre.
Il n’y avait pas deux mesures de jouées qu’une partie de la foule a spontanément applaudi les premières notes de la splendide Pour toi. L’irrésistible Chacun son refrain était aussi rassembleuse qu’en 1972. Et quand Michel a buté sur un mot, il s’est servi de la phrase-clé de la chanson « Nous y arriverons bien », pour ajouter : « moi aussi ! »
Ça, ça en disant long sur l’état d’esprit de Michel, reconnu pour être un perfectionniste accompli. Il y avait une aura de liberté qui émanait de lui. Au diable si tout n’est pas parfait.
Il y avait même de l’autodérision de sa part au terme de Sur mon dinosaure, offerte dans un blues-rock acoustique qui extirpait de l’offrande le petit côté enfantin de la version originale de 1968.
Chanson que je n’avais pas entendue depuis un passage à la radio… quand je n’avais pas dix ans. Actualiser le passé au présent, tel était le mot d’ordre.
D’ailleurs, c’était un peu la raison qui a mené Michel à enregistrer un nouvel album qui nous présente ses classiques en mode-guitare voix. Trois guitares, en fait, la sienne et celle des frères Yves et Marco Savard, qui enrobent les belles d’antan de nouveaux atours qui échappent aux courants musicaux très typés des années 1960, 1970 et 1980.
Salut Léon, « qui a continué à vivre dans les bars depuis 35 ans » était en revanche très proche de sa première mouture. Voyez-vous le temps qu’il fait a permis à la foule de participer, tandis que Vodka-Cola – et son propos politico-social – ainsi que Debout, n’ont pas pris une ride et demeurent d’actualité.
Quand Michel et ses deux formidables francs-tireurs ont enchaîné en clôture Amène-toi chez nous, Ami reviens et Pas besoin de frapper, je me disais que c’était une fichue de bonne idée que l’éternel retraité reprenne du service, samedi, au même endroit, et puis en région au cours des prochains mois.
Allez voir Jacques Michel à pied, en voiture ou sur votre dinosaure, mais allez-y. Du bonheur, ce spectacle.