Jack White, profession: alchimiste du rock n’ roll

Avec ses Lox Buzzardos, Jack White était en feu et a mis le feu à l'Olympia surchauffé. Photo Catherine Lefebvre.

Le Rock n’ Roll, c’est comme la proverbiale roue : on ne peut constamment la réinventer, surtout pas quatre ou cinq décennies après les pionniers et les légendes. Mais être à la hauteur du passé, ça, oui. Et comprendre ce passé. L’assimiler. Et mettre tous les ingrédients qui ont fait sa renommée dans une même marmite pour en extraire le meilleur. C’est ce que fait Jack White, l’alchimiste du Rock n’ Roll.

Par Philippe Rezzonico

Ladite marmite, elle était aussi surchauffée que l’Olympia – bondé comme on ne l’avait jamais vu – pour accueillir celui que l’on a connu comme leader des White Stripes, co-fondateur des Raconteurs et batteur de Dead Weather. C’était ça, d’ailleurs, le concept caché de ce spectacle. S’il s’agissait officiellement de la tournée de l’album solo de White (Blunderbuss), nous avions droit en réalité à un survol de son œuvre avec son groupe accompagnateur formé de mecs nommé Lox Buzzardos.

On précise, parce que Jack a aussi un groupe accompagnateur formé uniquement de filles nommé The Peacocks. Mardi, nous avions droit aux gars et la testostérone était de mise comme en a fait foi cette ouverture avec le classique Dead Leaves and the Dirty Ground (White Stripes) offert à la puissance dix.

Pendant 88 minutes (de 21h09 à 22h37, ça a de l’importance après la sortie de scène au terme de 55 minutes de prestation à New York il y a quelques jours…), White et ses busards ne mettront jamais le pied sur le frein. Déchaînée, fiévreuse, intense et parfois même déjantée, la troupe aura livré certains titres dans un état proche de l’abandon.

Intense à souhait

Il fallait voir White, tout de noir vêtu, sauter, tourbillonner et diriger son groupe au quart de tour dans une explosion sonore très sonore (le volume à 12) qui a rappelé que le rock pouvait être crasseux, dissonant et même sauvage.

La livraison de Top Yourself (Raconteurs) était offerte par un groupe qui sait improviser (quel jam!) sans jamais que l’exercice ne devienne une affaire de poseurs. White plonge dans les racines avec une Hotel Yorba (White Stripes) colorée par le violon et l’harmonica, mais il sort sa Fender tronçonneuse pour une version apocalyptique de I Cut Like a Buffalo. Époustouflant. Tout comme son batteur, une genre de pieuvre qui a la fluidité de Stuart Copeland et la puissance brute de Kenny Aronoff.

Puissance, ferveur et cohésion insensée de la part de White et ses musiciens.

Tout au long de la performance, White se sert de toutes les épices du passé pour faire sa sauce : rock, folk, blues, effluves hendrixiennes, riffs à la Led Zep et même du country, par l’entremise de I Know What I Know, de Hank Williams. Le monsieur est une encyclopédie qui adapte le passé au présent. Il a tout compris. Tout pigé.

En raison de la présence d’un micro central, d’un autre près du B-3 et d’un troisième près du piano, White se positionne où il le veut sur la scène constamment baignée d’une lumière bleue (comme la pochette de son disque), aussi rapidement, en fait, que lorsque qu’il passe de la guitare sèche à l’électrique et même aux ivoires, ce qu’il a fait pour I Guess I Should Go To Sleep.

L’essentiel

En forme mais pas en verve – comme d’habitude, Jack ne cause pas beaucoup sur scène -, White et ses copains ont fait des heureux dans la dernière demi-heure : une version de fin du monde de Black Math nappée de son rire satanique, une performance incisive à la slide pour le blues Two Against One, le chant à l’unisson avec la foule pour We’re Going To Be Friends (White Stripes) et, bien sûr, le char d’assaut dévastateur qu’est Seven Nation Army (White Stripes).

Je ne sais pas ce qu’il y avait dans la marmite dans laquelle White est tombé quand il était petit, mais, comme Obélix, il l’a fort bien digéré. Et comme Panoramix, il en détient maintenant le secret… Ce show-là va faire notre « Top 10 » de fin d’année, aucun doute là-dessus.