La renaissance de Metric

Photo promotionnelle/Justin Broadbent

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Environ une heure après le concert de Metric au M Telus, dimanche, on a vu apparaître sur la page Facebook du groupe une photo prise en coulisses des quatre membres enlacés par Murray A. Lightburn, leader du groupe The Dears, qui avait amorcé la soirée.

Par Philippe Rezzonico

Sous la photo, on pouvait lire : « Merci Montréal pour la meilleure fin de tournée de tous les temps ». Le programme triple qui mettait en vedette Metric, July Talk et Lightburn était le dernier de la tournée Art of Doubt du quartette formé de Emily Haines (voix, synthétiseur), Jimmy Shaw (guitares), Joshua Windstead (basse) et Joules Scott-Key (batterie).

Pourtant, diable que nous avons eu droit à quelque chose qui ressemblait bien plus à une renaissance qu’à une finale. Après une première demi-heure digne d’un bombardement sonore en règle (j’y reviens plus loin), Haines l’a fait comprendre à la foule avant d’interpréter la chanson titre.

Elle a notamment expliqué à quel point cette tournée qui se terminait l’avait réconciliée avec le plaisir de faire de la musique, à quel point elle ne se reconnaissait pas dans ce monde où tout le monde doit être parfait, tout le temps. Art of Doubt est bien plus qu’un titre de chanson ou d’albums… Et que l’art devait être un dénominateur commun à tous dans notre monde d’aujourd’hui.

Pour le plaisir, nous n’en avons jamais douté. D’entrée de jeu, le band torontois aux nombreuses racines montréalaises a fait comprendre que nous allions en prendre plein la gueule en amorçant sa prestation de tout près de deux heures avec Dead Disco, la chanson-phare de leurs années de jeunesse. Comme coup de canon, difficile de faire mieux.

Cheveux en bataille lorsque penchée sur son claviers, sautillant partout au micro dans sa tenue moulante et vêtue d’une veste et d’un bustier avec paillettes, Haines a donné le ton. La finale de Twilight Galaxy, nappée d’un solo incendiaire de six cordes de Shaw nous a ramené plus que jamais dans l’univers rock que Metric tend parfois à délaisser au profit d’une synthpop, comme ce fut le cas pour Pagans In Vegas (2015). Le retour à des sonorités musclées avec Art of Doubt a ramené à l’avant-plan cette approche « pas de quartier » du groupe.

Synthetica a poursuivi dans la même veine avant que Risk et sa rythmique galopante – le plus récent extrait lancé il y a dix jours – vienne s’inviter dans la conversation. Lorsque les premières notes de Breathing Underwater se sont fait entendre, le « Métropolis » – comme l’a désigné Haines – et tous ceux qui s’y trouvaient sont partis en orbite. Une première demi-heure proprement hallucinante durant laquelle les guitares mordantes n’avaient d’égale que les basses archi-lourdes, dignes d’un concert de Metallica. Au parterre, on sentait le plancher du M Telus vibrer!

Nous faire fondre…

Leah Fay nous avait prévenus. La chanteuse de July Talk l’avait annoncé avant que le duo qu’elle forme avec Peter Dreimanis boucle une portion d’une heure de prestation. « Metric va venir faire fondre vos visages… » Il faut dire que July Talk n’a pas démérité et que personne ne voulait les voir partir. En fait, ils ne voulaient pas quitter la scène.

Fay et Dreimanis, qui arborent désormais une coupe de cheveux que l’on pourrait qualifier de « défi têtes rasées » n’ont cessé de répéter que les 45 concerts partagés avec Metric avaient été exceptionnels. Le duo de Toronto avait visiblement commencé à célébrer cette fin de tournée avant de monter sur scène. Si ces deux-là étaient sobres sur les planches hier soir, je suis le père Noël.

C’était particulièrement évident durant Summer Dress lorsque Fay a sauté dans le dos de Dreimaris, s’accrochant à son cou, passant près de le faire tomber. N’empêche, si j’ai déjà vu le duo plus soudé dans le passé, il y avait quelque chose de joyeusement magique et bordélique à leur prestation. Leah qui tire sensuellement sur le fil de micro de Peter durant Beck + Call, ou qui danse de façon éperdue, comme si elle était seule dans son monde.

Ce qui n’était pas le cas quand elle a saisi la grosse lune suspendue au-dessus de la scène afin de la tirer vers le bas afin de la foule la touche. Gros moment de participation du public. N’empêche, July Talk a été très bon, comme un bon groupe canadien peut l’être sur son territoire. Mais il n’est pas dans la ligue de Metric qui est depuis longtemps un groupe de calibre international qui peut se produire dans un petit club, en aréna ou en festival devant 50 000 personnes sans que ça ne change rien.

Emily et ses collègues ont offert les chansons récentes comme Dark Saturday (solide), Dressed to Suppress (excellente), Underline the Black et la déchirante No Lights On the Horizon avec les titres favoris du passé (Gimme Sympathy, Sick Muse, Gold Guns Girls) avec la même ardeur, le même abandon, la même inspiration brûlante. Haines m’a même fait apprécier Cascades – vraiment pas ma favorite sur album – dans cette version pop, dépouillée de synthétiseurs et d’autotune.

Saluant au passage Lightburn (dont j’ai raté le set à cause d’un problème de plomberie à la maison) et les membres de July Talk installés au balcon, Haines et ses copains ont conclu la soirée avec une version de Now Or Never Now tout à fait à propos.

Oui, après 20 ans de carrière, Metric conjugue encore au présent. Il ne reste qu’à attendre le retour des vacances…