Un critique du site allmusic.com écrivait, à propos de cet album, que celui-ci figurait au top-10 ou au top-50 de nombreux fans de jazz. Vous savez quoi? Ce n’est pas moi qui vais le contredire.
Par François Vézina
Ah!, le blues. Un sujet qui tient à cœur à Oliver Nelson. L’altiste va s’en saisir à deux mains pour l’étirer, le dilater, le contracter ou le découper en pièces variables afin de mieux en faire ressortir les différentes richesses.
Nelson s’inspire aussi des structures d’un vieux succès, I Got Rhythm, là aussi en les allongeant afin de donner de l’air à son groupe.
L’ensemble pourrait se transformer en un pesant exercice de style. Heureusement, Nelson est un fin compositeur doublé d’un arrangeur raffiné.
Six compositions originales, autant de petits bijoux. Les musiciens se laissent inspirer par des thèmes majestueux comme Stolen Moments, enlevés comme Cascade, surprenants comme Teenie’s Blues.
Les arrangements de Nelson procurent un vaste territoire que peuvent explorer les solistes en toute liberté.
Un sextette de rêve
La confiance du patron en eux est telle qu’il leur laisse décider de l’orientation que prendra chaque composition. Le premier soliste s’éloigne peu à peu du thème et passe le témoin. Que fera son collègue? Se laissera-t-il inspirer par la mélodie initiale ou guider dans la nouvelle direction empruntée? Sera-t-il imité par le troisième? À l’auditeur la joie de découvrir la réponse.
Un tel contexte nécessite la présence de musiciens doués, hardis et attentifs. Nelson n’a pas été trahi par son flair quand est venu le temps de choisir ses compagnons de studio.
Il a eu la chance de pouvoir compter sur un Freddie Hubbard dont le jeu très solaire contraste avec le style rugueux et aventureux du toujours surprenant Eric Dolphy qui, pour l’occasion, a laissé sa clarinette basse au vestiaire.
Il a pu se fier à la grande musicalité de Bill Evans dont il faut écouter notamment les deux chorus en prélude de Yearnin’.
Nelson, lui-même, est un bon saxophoniste doté d’un bon sens de la répartie.
Et quel patron n’aimerait pas marcher au tempo d’un Paul Chambers et d’un Roy Haynes?
Dans l’ombre des grands se cache un dénommé George Barrow. Il ne se lance dans aucun solo mais sa présence ne passe pas inaperçue car son jeu efficace donne du relief à l’ensemble.
Le blues n’est pas aussi simple qu’il en a l’air. Comme l’a fait Oliver Nelson, il faut pouvoir en explorer toutes les nuances avant de pouvoir réellement en mesurer toute sa richesse. Un peu comme la vérité, aussi abstraite soit-elle.
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Le Top-50 de Frank (24): Oliver Nelson, The Blues and the Abstract Truth
Étiquette: Impulse!
Enregistrement: 23 février 1961
Durée: 36:37
Musiciens: Oliver Nelson (saxophone alto), Freddie Hubbard (trompette), Eric Dolphy (flûte traversière, saxophone alto), Bill Evans (piano), George Barrow (saxophone baryton), Paul Chambers (contrebasse), Roy Haynes (batterie).