Le Top-50 de Frank (33): David Murray en ballade

Au Moyen-Âge, la ballade était une forme de poème lyrique. Ça tombe bien: du lyrisme, le grand David Murray, un artiste aux multiples visages, en a à revendre, même si, sur cet enregistrement, il nous laisse entendre un côté plus sobre mais tout aussi passionnant que ses œuvres plus aventureuses.

Par François Vézina

En janvier 1988, Murray, un des musiciens de jazz les plus prolifiques de sa génération, est loin d’être en panne d’inspiration. Les six morceaux qu’il interprète sur cet album, le prouvent amplement.

Le saxophoniste se montre à la fois fougueux et tendre. Rendant son écot à d’illustres prédécesseurs comme Don Byas ou Paul Gonsalves, il refuse toutefois de jouer la carte de la guimauve.

On associe généralement la ballade au romantisme. Mais, de nos jours, elle peut aussi raconter des tranches de vie, comme le fait Murray. Les six titres, de bien jolies histoires toutes simples, sont de beaux prétextes à de remarquables improvisations fluides au cours desquelles le saxophoniste nous fait entendre sa grande expressivité.

Ce disque est une leçon de contrôle de soi. Murray, lui-même compositeur des très touchantes Love in Resort et Ballad for the Black Man, demeure fidèle à lui-même. Mieux, diront certains observateurs, il maîtrise ici parfaitement ses phantasmes musicaux: un son robuste, un vibrato chaleureux, des notes pas toujours propres, des intervalles vertigineux, une énergie communicatrice et un swing omniprésent.

Le complice

La présence d’un bon pianiste magnifie le jeu d’un soliste. Signataire de trois titres dont les latisants Valley Talk et Paradise Five, sans doute les plus entraînants de l’album, Dave Burrell est bluffant tout au long de l’album.

Ici, il dédouble et complète les phrases de Murray (Valley Talk). Là, il garde les lignes harmoniques et mélodiques pour souligner le discours du saxophoniste (Ballad for the Black Man). Ailleurs, il ne suffit que quelques notes répétées à divers intervalles de temps pour rehausser le solo de Fred Hopkins (Lady in Black).

Sarah’s Lament, un formidable duo entre Murray et Burrell, complète à merveille cet album. A trois reprises, le torrent romantique du pianiste se superpose sur des notes étirées, dilatées, créant une certaine tension que parvient à désamorcer sans mal le saxophoniste.

Janvier 1988, David Murray traverse une grande période créative. Ce mois-là, il enregistre, pour l’étiquette japonaise DIW, assez de matériel pour permettre la sortie de quatre autres albums (Tenor, Deep River, Lovers, Spirituals), tous très bons. C’est assez vertigineux quand on y pense.

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Le Top 50 de Frank (no 33): David Murray, Ballads

Étiquette: Diw

Enregistrement: Janvier 1988

Durée: 46:34

Musiciens: David Murray (saxophone ténor), Dave Burrell (piano), Fred Hopkins (contrebasse), Ralph Peterson (batterie)