Chants fédérateurs dédiés au peuple, refus de l’aliénation, titres d’espoir à forte connotation sociale, coup de chapeau aux carrés rouges : le premier de deux spectacles offert par Loco Locass au Club Soda, jeudi, faisait le constat du passé et du présent et regardait droit vers l’avenir, dans la foulée du printemps érable. Reste à savoir maintenant si le trio connaîtra la fin de l’histoire.
Par Philippe Rezzonico
De retour sur leur «patinoire» où ils ont offert quelques-uns des meilleurs spectacles de leur carrière, Loco Locass a rapidement posé les bases de sa prestation. Quand Biz a demandé s’il y avait des étudiants dans le Club Soda, le hurlement spontané qui s’est fait entendre était plus unanime qu’un référendum sur la gouvernance ordonné par Vladimir Poutine en Russie.
Entre «carrés rouges» et «artistes gratteux de guitares», la table était donc mise. Loco Locass a d’ailleurs rapidement misé sur cet aspect. Quoi de mieux que Secondaire et son propos sur l’intimidation pour enchaîner?
Et quand on a sous la main une foule aussi jeune, rien de mieux que de la faire participer. D’où la demande de Chafiik auprès des jeunes femmes de l’assistance de monter sur scène afin d’offrir à tous une séance de baladi durant Engouement. Une demi-douzaine d’entre elles ont obtempéré et nous avons eu droit à un beau moment de partage spontané.
Ce départ-canon (une vivifiante [wi] et La trahison des marchands en mode rock avaient ouvert le spectacle) a fait place à l’un des segments les plus puissants avec la succession de Kevin et Gaétan (les problèmes de jeu), Tous les jours et M’accrocher (portant toutes deux sur le suicide). Si les notions de politique et d’indépendance sont les aspects que l’on associe le plus naturellement à Loco Locass, ce groupe demeure une référence quand vient le temps de cerner les maux individuels qui nous rongent.
Bref, de solides interprétations devant un public gagné d’avance, mais également un gros malaise quand Chafiik a lancé un appel aux jeunes afin, qu’à leur tour, ils saisissent plumes et instruments pour succéder «aux Cowboys (Fringants), à Mes Aïeux et à nous autres. On approche les 40 ans! Ça dure pas 30 ans un band! Surtout pas un band engagé!»
On a compris que l’usure du temps, les succès individuels des membres de LL dans d’autres champs d’activités que celui de la musique et que certaines liaisons dangereuses ont provoqué des scissions à l’interne. Le trio ne s’en cache d’ailleurs pas lors d’entrevues formelles, ce qui est tout à leur honneur. Mais d’entendre une telle tirade en plein milieu d’un généreux spectacle de deux heures et quart, ça calme un peu les ardeurs.
Soudainement, l’explosif pot-pourri de classiques tiré du disque Manifestif que l’on venait d’entendre prenait à mes yeux une toute autre signification. Et si les boys interprétaient leurs vieux titres parce qu’ils savent que c’est leur dernière tournée?
Du gros calibre
Heureusement, Loco Locass avait un sac rempli de munitions pour embraser de nouveau la salle : La bataille des murailles (dédiée aux étudiants qui ont marché dans les rues de Montréal), Occupation double («Montréal est en guerre»), Antigone (dans une version rock débile) et La mémoire de Loco Locass ont irradié le Club Soda.
La fougue de Chafiik, la mitraille vocale de Batlam, les propos incisif de Biz : ça ressemblait furieusement aux virées de début de siècle dans ce même Soda. C’était du tonnerre.
Parmi les moments hautement sympathiques, notons la présence de l’ex-Zapartiste François Parreteau qui a sorti sa plus belle imitation de Gilles Vigneault afin de partager Tout le monde est malheureux et une reprise de Heureux d’un printemps en mode rap. Paul Piché pourrait être là, ce soir, pour le deuxième spectacle. Avis aux intéressés.
Quand le trio et leurs musiciens et choristes ont bouclé la boucle avec Les Géants, Chafiik a salué la foule repue en précisant que le groupe allait être partout en tournée au Québec en 2013. Fallait-il vraiment qu’il ajoute : « On continue durant une couple d’années!»?
Si j’étais vous, je ne raterais pas cette tournée de l’album Le Québec est mort, vive le Québec! quand elle passera dans votre région. On ne sait jamais…
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Loco Locass au Club Soda, le vendredi 7 décembre.