Marie Denise Pelletier : de retour pour durer

Photo courtoisie Montréal en lumière/Reine Mattera

La dernière fois que Marie Denise Pelletier a fait une rentrée montréalaise avec de nouvelles compositions originales, nous étions dans un univers sans Twitter, sans traumatisme post-911 et sans gouvernement conservateur majoritaire. C’était dans l’autre siècle. Mercredi, elle nous présentera ses plus récents titres à L’Astral et elle piaffe déjà d’impatience. Normal. La scène, c’est son refuge.

Par Philippe Rezzonico

Dire que Marie Denise Pelletier a hâte à sa rentrée offerte dans le cadre du festival Montréal en lumière tient de l’euphémisme. On perçoit dans le timbre de sa voix toute l’excitation du moment, comme si elle était une jeune débutante.

«Je suis fébrile parce que j’ai hâte. Pas parce que j’ai des craintes, dit-elle. J’ai tellement hâte ! Ma tasse de thé, c’est d’être sur un stage. Je l’ai dit souvent. Il n’y a aucun endroit au monde où je suis plus heureuse. On a lancé le disque l’an dernier et j’ai aiguisé ma patience depuis. On a brisé la glace récemment et tout c’est tellement bien passé que je ne tiens plus en place.»

Si Marie Denise n’a pas proposé de nouvelles compositions originales depuis Le sixième jour (1996), elle n’est pas demeurée inactive pour autant. Un album de grandes chansons (Plaisir d’amour) en 2000, un autre consacré à l’œuvre d’Eddy Marnay (Les mots de Marnay) en 2003 et l’incontournable disque de Noël (Noël parle-moi) en 2006 ont vu le jour, ainsi qu’une compilation. Avec des spectacles à la clé, bien sûr. Et il y a eu les projets de Roméo et Juliette et de l’hommage à Queen.

Cette fois, ses fans pourront entendre les nouveaux textes écrits par des pointures comme Luc Plamondon, Richard Séguin et Luc De Larochellière qui forment l’ensemble de Marie Denise Pelletier. Un album qui aura pris un tournant un peu inattendu pour l’artiste.

Taillé sur mesure

«Quand tu commences le processus, tu ne sais jamais ce que va être le disque. Tu as un portrait général. J’ai été bien servie. On m’a écrit des chansons qui me vont comme des pantoufles de Cendrillon.»

Interprète, Pelletier avait discuté avec ses paroliers pour obtenir du taillé sur mesure. Et elle voulait surtout des mots qui vont en concordance avec la femme et l’artiste qu’elle est aujourd’hui.

«La question, c’était : « Qu’est-ce que j’ai à dire ? » Je n’ai plus 25 ans. J’en ai 50. A 20 ans, tu veux prouver que tu existes au monde entier. Là, les priorités ne sont plus les mêmes. Je me sens tellement privilégiée de faire encore ce métier que j’aime, par plaisir, par amour, mais pas à n’importe quel prix.»

Les auteurs ont donc écrit. Et Marie Denise a chanté. Et les radios ont emboîté le pas avec les premiers extraits, démontrant que la chanteuse à la chevelure de feu avait conservé tout son attrait auprès de son fidèle public.

Lors de la création de l’album, Marie Denise voulait rendre hommage à sa mère avec une chanson (L’amour aura sauvé l’amour). La triste ironie, c’est que ça devait être une chanson hommage, pas une chanson hommage posthume.

« Deux ans avant la parution de la chanson, elle n’était pas malade, se souvient-elle. Et puis… Ça ne devait pas être prémonitoire.»

Il y a aussi quelques titres comme Qu’aurions-nous laissé ? (en duo avec Mario Pelchat) et Pourquoi le jour se lève-t-il ?, preuve que la vie est remplie d’interrogations. Et aussi, Je chante, je chanterai, « qui devait être était dans les tiroirs depuis sept ans  », une chanson qui a tout de l’affirmation de soi.

Sur un album, il y a parfois des titres qui en disent parfois plus long sur la personnalité d’une artiste que toutes les entrevues. Ici, Berceuse pour un ange (splendide et poignante), qui évoque le récit d’un enfant-mort né, est dédiée à un couple d’amis. Douleur partagée.

Le dur présent

Quand MDP a lancé Le sixième jour, le piratage de la musique sur le web n’existait pas. Et, curieusement, les opportunités de faire briller l’art vocal étaient peut-être plus nombreuses en 1996 qu’aujourd’hui.

«En 1960, il y avait une quarantaine d’artistes dans la chanson. En 1980, 150… Là, nous sommes plus de 2,000 au Québec seulement, image celle qui défend les intérêts des artistes au conseil d’administration d’Artisti, le société de perception des droits des interprètes de l’Union des artistes. Malgré l’internet, on a l’impression que c’est de plus en plus difficile de percer parce que l’offre est tellement plus grande qu’auparavant.

«Dans les années 1980, il y avait quatre shows de télé par poste où les artistes pouvaient être vus. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’internet a créé une révolution planétaire, mais notre culture est plus que jamais menacée. Le français prend du recul au plan international tellement de jeunes groupes et artistes rêvent de chanter en anglais.

«Et si la loi C-11 (ndlr : refonte tiède et sans dents du droit d’auteur) passe – et elle va passer avec ce gouvernement conservateur majoritaire – on va encore reculer.»

Comme quoi, Tous les cris, les S.O.S., pourrait bien avoir un tout autre sens en 2012…

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Marie Denise Pelletier en concert à L’Astral, le mercredi 22 février, dans le cadre du festival Montréal en lumière.