Mes Aïeux: le début d’un printemps nouveau

Mes Aïeux. Photo Jocelyn Michel.

Ils ont beau porter un nom de groupe qui fait d’emblée penser aux anciens, les membres de Mes Aïeux sont peut-être les vétérans les plus jeunes du moment. Il faut être jeune – ne fût-ce que dans sa tête – pour résister aux coups durs et tout simplement remettre en question sa raison d’être. Le résultat a pour nom A l’aube du printemps. Ça annonce un grand retour.

Par Philippe Rezzonico

C’est un scénario digne des Jutra qui ont été célébrés dimanche. Le nouveau disque de Mes Aïeux avec son titre lié au printemps voit le jour alors que Montréal est chauffée de mercures dans les deux chiffres au quotidien. Aucun relationniste n’aurait pensé à un truc pareil…

Mais personne n’aurait pu croire non plus que Mes Aïeux auraient pu disparaître. Voyons donc… Il y 16 mois, Mes Aïeux était sacré groupe de l’année au Gala de l’ADISQ. D’ordinaire, tu ne te poses même pas la question si tu vas lancer un nouvel album. Pas quand tu as obtenu le succès que Mes Aïeux a eu depuis 16 ans. Et pourtant…

Déstabilisés

Pourtant, la vie, ce truc imprévisible, remet parfois en question les meilleures intentions. Mes Aïeux étaient déjà en train de travailler en studio avec de nouvelles chansons quand l’inattendu s’est produit. Quand Éric Desranleau a quitté le navire qu’il avait contribué à bâtir.

«On savait qu’Éric avait commencé à entreprendre un projet personnel et on avait l’impression qu’il avait le tête et le cœur ailleurs, se souvient Stéphane Archambault. On s’est regardé entre les deux yeux et on a discuté de l’avenir.»

L’avenir, Desranleau le voyait ailleurs. Sortie, donc. Ce n’était pas tant que Mes Aïeux perdait un élément important, c’était soudainement l’existence du groupe qui était remise en question. Et quand tu es au tournant ou déjà dans la quarantaine, c’est normal que les interrogations soient encore plus nombreuses.

Mes Aïeux, lors de l'obtention du Félix du groupe de l'année en 2010. Photo d'archives. Courtoisie Catherine Lefebvre.

«Nous étions déstabilisés. On avait pris un long break après la tournée de La ligne orange, il y a eu ce chambardement qui nous a obligé à repenser carrément la façon de travailler en studio…. Étions-nous heureux ? Est-ce qu’on voulait continuer ?»

Tout le monde le sait, c’est toujours quand tu te fais bousculer que tu te demandes si quelque chose vaut le coup. Si cela a toujours sa raison d’être. Je pourrais rédiger quelques chapitres sur le sujet…

Passion renouvelée

«C’est là qu’on a réalisé qu’on avait toujours le goût de faire de la musique ensemble, confirme Archambault. Plus que jamais. On a modifié des paramètres, il y avait plus de claviers dans les compos et moins de guitares. Il y a eu des déplacements en studio parce qu’on avait soudainement cette chaise vide… »

Ce qui aurait pu être la fin aura finalement été une certaine forme de renaissance. Parce que Mes Aïeux, version 2012, ce ne sont évidemment plus ces jeunes que l’on avait connu dans les années 1990 avec leurs curieux costumes de scène. Tant au plan des textes que de la musique, le groupe a su évoluer sans transgresser ses valeurs profondes.

« A l’aube du printemps, c’est un peu venu en tête à la suite du printemps arabe, note Archambault. Mais c’est aussi lié au désir de durer. On veut durer comme groupe, mais on veut aussi que la culture et l’espèce durent. »

Si Mes Aïeux n’ont pas composé des chansons poing en l’air comme l’ont fait Les Cowboys fringants avec La Manifestation et En berne il y a une dizaine d’années, le groupe ne se gêne pas pour livrer ses états d’âmes sur bien des choses qui nous touchent comme société.

Les puits de gaz de schiste (Trou creusé), le manque d’imputabilité (La stakose), l’attrait des modes (Passé dépassé) sont au nombre des irritants que l’on retrouve dans les textes des nouvelles compositions. On sent que Archambault en a mare de la passivité. On se dit même qu’il ne détesterait pas un printemps québécois, mais évidemment dénudé de violence.

«Je veux une prise en main citoyenne. Quand je vois ce qui se passe avec nos ressources naturelles, avec le développement durable, notre identité… Je veux que notre groupe dure, mais aussi notre société. Je veux surtout que l’on fasse quelque chose collectivement. »

Collectivement, il y a fort à parier que A l’aube du printemps plaise à toutes les générations de fans du groupe, même si les nouveaux titres – même les plus légers – sont indiscutablement créés par un band qui n’a plus vingt ans.

«Ça fait déjà un certain temps qu’on a laissé tomber les costumes. Je ne crois pas qu’on en a encore besoin pour soutenir notre musique, même si ce n’est pas interdit de les ressortir», rigole le chanteur.

«De la même façon, nous ne renions pas le passé, mais nous avons l’âge et le vécu que nous avons. Donc, les nouvelles chansons, c’est nous aujourd’hui (des artistes dans la quarantaine), en espérant que ça plaise à tous ceux qui nous suivent depuis longtemps.»

Mes Aïeux, A l’aube du printemps. Présentement disponible en magasin et en ligne.