Mes Aïeux: l’espoir d’un printemps toujours meilleur

Stéphane Archambault, Marie-Hélène Fortin et les membres de Mes Aïeux ont offert un spectacle inspirant et relevé. Photo Alain Décarie.

À l’automne, les jours se font peut-être plus courts que les nuits, mais pour les spectateurs venus assister mercredi à la rentrée montréalaise de Mes Aïeux, impossible de souffrir du blues de l’obscurité si caractéristique de l’automne. En fait, c’était l’équinoxe à l’envers au Monument national à l’occasion de ce Tour du printemps, un réchauffement climatique agréable, tant pour l’oreille que pour l’œil.

Par Pascale Lévesque

« On dirait que le monde n’ose plus rêver, qu’ils se contentent de leur petite vie…On dirait que le pays s’en va », racontait Stéphane Archambault, en relatant une conversation entre un vieux patriarche et un jeune en guise d’introduction. Et comme le jeune de l’anecdote, on vite vu la belle saison poindre au loin devant nous.

C’était sans équivoque dès la première pièce de la soirée (Viens t’en) en dépit de l’automne qui soufflait de toutes ses forces à l’extérieur. On voulait nous faire sentir et ressentir le printemps. Tant au propre qu’au figuré. Celui vécu ici il y a quelques mois, porteur d’espoir, de changement, de vie : celui aussi évoqué et omniprésent dans la poésie du plus récent album de Mes Aïeux, À l’aube du printemps, paru en mars dernier.

À l’instar du chanteur, de sa douce Marie-Hélène Fortin, toujours accompagnée de son bouillant violon, de Fredéric Giroux ainsi que de leurs compagnons, on se laissait envelopper par les éclairages de Gabriel Pontbriand, un virtuose qui a rendu la lumière tantôt subtile, tantôt vive, ou encore chaleureuse. Un élément clé de ce spectacle.

Les éclairages de Gabriel Pontbriand ont enveloppé la prestation du groupe de splendide façon. Photo Alain Décarie.

Première réflexion, après que le groupe eût enfilé la nouvelle Passé dépassé, la classique Notre-Dame-du-Bon-Conseil et Des réponses à tes questions : pourquoi avoir choisi de se produire dans une salle où le public serait assis plutôt que debout? Mes Aïeux nous ayant habitués par le passé à fouler un grand plancher de danse… Sans doute pour favoriser l’écoute des textes de leur nouveau répertoire.

Un choix efficace, certes, mais contraignant pour ceux qui avaient des fourmis dans les jambes et aussi l’envie de se tenir debout comme des milliers de gens l’ont fait il y a quelques mois, galvanisés par des discours semblables à ce que Mes Aïeux présente dans ses chansons comme En ligne, Le Déni de l’évidence, Le fil ou encore la très actuelle Ton père est un croche … toutes jouées en seconde partie de programme.

Propos renforcé

D’autant plus qu’on avait appuyé et renforcé le propos et le sens des chansons avec des tirades, métaphores et autres envolées humoristiques. À ce chapitre, notons la succulente présentation utilisée pour lancer la chanson inédite La fille du Docteur Brochu, une histoire qui rappelle les portraits de gens qu’on fait parfois dans les journaux…

Marie-Hélène Fortin et son violon ont coloré les offrandes du groupe. Photo Alain Décarie.

Citant un quotidien régional, disons de la région de Montréal, Archambault nous a fait la lecture de la section Votre Opinion où des citoyens se prononçaient sur les couleurs de l’automne, les trouvant fort belles. Et malgré la banalité de la chose, « M. Martineau, deux trois pages plus loin, n’est pas d’accord! ».

S’il avait un moment fort à souligner de cette soirée, ce serait sans contredit cette enfilade en fin de première partie de trois chansons aux énergies fort différentes… La première, Le repos du guerrier, s’est révélée être presque du rock progressif ponctué d’une envolée « saxophonesque » de Luc Lemire.

Pas de coupure pour se rendre à la douce Berceuse, portée en harmonie, pratiquement en symbiose, par les voix de Stéphane et Marie-Hélène… Et pas non plus de cassure violente pour en arriver à la très satirique La Stakose, malgré les collants arlequins de Fred et Luc et les perruques à la Louis XVI des autres membres.

Frédéric Giroux et Stéphane Archambault au travail. Photo Alain Décarie.

Une finale en force avec cette chanson qui rappelle la tendance de l’humain à excuser tous ses malheurs sur le dos des autres. La foule a même eu droit à la parole grâce au micro d’Archambault, descendu au plancher pour demander aux gens « Vous, Stakose de quoi? »… « Du trafic! De mon boss! De rien! », répondaient-ils avant de chanter en chœur avec le groupe « Stakose de la bêtise humaine! ».

D’une seule voix

On aurait aimé avoir été chauffé de la même façon avant d’entendre au retour de l’entracte ce qui est la pièce de résistance d’À l’aube du printemps : Les oies sauvages. Il aurait peut-être convenu de nous servir un trou normand avant d’entamer une chanson aux saveurs corsées qui se déguste comme un plat principal…

N’empêche, s’il est encore permis de faire une analogie avec le printemps érable qu’on a connu, c’est lorsque les sept membres de la formation chantent à l’unisson qu’ils sont à leur meilleur. Comme si la seule voix parlait plus fort.

Benoît Archambault, son clavier, sa guitare et son irrésistible sourire chérubin. Photo Alain Décarie.

C’était particulièrement le cas dans Le fil ou encore Qui nous mène, chantée tout de suite après Dégénérations. Comme quoi le groupe fait bien de privilégier des interprétations plus simples par rapport aux mises en scènes plus théâtrales (comme ce fut le cas avec Histoire de peur, notamment).

Bref, Stéphane Archambault et ses complices n’avaient pas à s’excuser de n’avoir qu’un rodage de quatre représentations derrière la cravate. Car s’il nous sommait, en concluant avec la superbe Au gré du vent, de ne pas croire que l’automne était arrivé et que c’était encore le temps de semer de l’espoir et de l’entraide, nous, on continue d’y croire, même le rideau tombé.