Pour la quatrième année de d’affilée, le festival Osheaga affiche complet avant même qu’une note de musique ne soit jouée. Fidèle à une méthode qui a fait ses preuves lors des dix précédentes éditions de l’événement, on essaie d’en voir le plus possible.
Par Philippe Rezzonico
Au menu de cette première journée : Dragonette, Kaleo, Elle King, Dear Rouge, Wolf Parade, The Wombats, Bloc Party, Cypress Hill, Half Moon Run et Red Hot Chili Peppers.
On l’a noté depuis un certain temps déjà : les quelque 45 000 festivaliers qui affluent chaque jour de festival arrivent de plus en plus tôt. Pas surpris, donc, d’être pratiquement bloqué à la sortie de la bouche de métro de l’île Saint-Hélène… à 13h15.
Le temps de compléter les formalités d’accréditation, je réalise que je n’ai pas le temps de me rendre à temps pour voir Elephant Stone à la scène de la Vallée. On profite donc du trio de Dragonette qui donne tout ce qu’il a devant un parterre central encore assez dispersé sur la scène de la Montagne. N’empêche, ça prend des groupes comme ça pour donner le ton et la bande à Martina Sorbada a fait le travail.
À 14h30, c’est l’inverse. Il y a tellement de monde sur le site que le devant des scènes de la Montagne et de la Rivière affiche complet pour Kaleo. Il faut dire que les Islandais sont attendus par de nombreux jeunes amateurs. Le chanteur Jökull Júlíusson, avec sa coupe de cheveux à la Elvis de 1956, sa bouille qui ressemble à Ricky Martin, et avec sa voix qui lui permet d’imiter Jimmy Sommerville des Bronski Beat a tout pour lui. Et le band, lui, a de bonnes chansons comme Way Down We Go. Gros succès d’après-midi.
On reste dans le coin pour voir Elle King, une très particulière jeune femme qui livre ses compositions (Ex’s & Oh’s, Under the Influence, Chain smoking, Hard Drinking Woman) avec autant d’aisance qu’elle s’approprie des classiques d’un autre âge comme Folsom Prison Blues, de l’homme en noir, et Oh Darling, du Fab Four. Bel équilibre entre le présent et le passé. En revanche, je décroche rapidement de Silversun Pickups.
De l’autre côté de l’ile, je me dirige pour aller voir Oh Wonder quand je me retrouve presque exactement entre la scène de la Vallée (où se trouve Oh Wonder) et celle des Arbres (où joue Dear Rouge). Les rythmiques de Dear Rouge l’emportent et je tourne à droite plutôt qu’à gauche. C’est ça, la vie de festival. C’est parfois la musique qui décide pour nous.
Je ne regrette pas une seconde. Le groupe de Vancouver est dynamique à souhait et Danielle MacTaggart possède une formidable présence de scène, dans son magnifique ensemble d’été. Les chansons (Best Look Lately, Tongues) font mouche auprès de la foule compacte sous la scène placée sous le couvert. On a même droit à une excellente reprise de Call Me (Blondie) à la rythmique ralentie, mais charpentée sur une batterie percussive à souhait.
À la scène de la Vallée, The Wombats, originaires de Liverpool, nous bombardent de chansons aussi irrésistibles que dansantes. Give Me A Try, avec son cri de ralliement de « We could be gigantic! », Moving To New York, avec sa phrase choc « Christmas came early! », Techno Fan et Greek Tragedy ont mis des sourires sur les visages de tout le monde. Le groupe de Matthew Murphy est soudé comme pas un et j’ai cessé de compter le nombre de fois où les spectateurs ont spontanément battu la mesure. Ça ne trompe pas.
Après un autre demi-tour, on retourne devant la scène Verte pour Bloc Party. D’entrée de jeu, on constate Louise Bartle n’a pas la puissance brute qu’avait Matt Tong à la batterie. Les nouvelles chansons ne sont pas vilaines, mais rien qui accroche l’oreille comme les classiques de Silent Alarm ou Week-end In the City. On mesure d’ailleurs le fossé quand le groupe interprète le classique Song For Clay (Dissapear Here). Et puis, Kele Okereke n’a plus la fougue de sa vingtaine. Pas mauvais du tout, mais quand tu as vu ce groupe à son sommet, la comparaison ne tient pas une seconde. Je déserte pour aller voir le dernier quart d’heure de Cypress Hill sur la scène de la Montagne et je me dis que j’aurais fait une meilleure affaire en venant ici directement après The Wombats.
On écrit tout ce que vous venez de lire dans la tente de presse, en appréciant la prestation de Half Moon Run en stéréo (le son dans la tente en face de nous et celui provenant directement de la scène principale derrière nous). Pour le compte-rendu, dites-vous que c’est la version écourtée de leurs spectacles au Métropolis.
Je fais impasse sur The Lumineers parce qu’il faut bien manger et je me pointe pour les Red Hot Chili Peppers à 21:20. Je me dis parfois que les gens ont oublié que ce groupe désormais très populaire était au départ un groupe alternatif qui a percé aux yeux du grand public à la suite d’un album (Blood Sugar Sex Magic) paru à l’époque (1991) où tout ce qui était alternatif devenait, justement, grand public.
Mais les Peppers, c’est avant tout un groupe dans la marge dont les chansons reposent sur le funk. Preuve à l’appui, cette longue intro instrumentale en ouverture qui a précédé Can’t Stop. Durant un peu plus d’une heure et demie, Anthony Kiedis, Flea, Josh Klinghoffer et Chad Smith ont alterné entre nouvelles compositions, succès bétonnés et improvisations instrumentales. Trop de nouvelles chansons? Peut-être bien (J’aurais pris Around The World, tiens). Quoique Dark Necessities et The Gateway valent le détour. Cela dit, on a eu droit à un clin d’œil à Leonard Cohen avec l’interprétation de Klinghoffer de Chelsea Hotel # 2. Belle attention. Mais la sélection, en définitive, c’est le droit du groupe. Et tant qu’il offre l’essentiel de ses tubes, rien à redire.
Et avec Dani California, Scar Tissue, Otherside, Californication, Under The Bridge, Goodbye Angels et Give It Away – avec un lien avec Break On Through, des Doors – on avait le minimum syndical. Et ils étaient en forme, les boys. Flea, comme d’habitude, mais Chad Smith – qui a l’air du grand frère de Will Ferrell – était particulièrement dans un grand soir. Ça chauffait, ça échangeait et ça déménageait.
Kiedis n’est certes plus capable de faire la fête comme il le faisait il y a dix ans encore – à cause de sa jambe -, mais il était particulièrement fougueux. Note personnelle : porter une moustache digne de Freddie Mercury quand on s’habille comme le gamin du clip Pretty Fly (For A White Guy), du groupe The Offspring, ce n’est pas l’idée du siècle. Mais je présume que c’est dans l’esprit alternatif du band. Et à l’arrivée, les piments, contrairement à ce que je m’attendais, avaient du piquant. C’est tout ce qui compte.