Osheaga, jour 2: Chaleur, soleil, musique (bis), Shirley et le palmier

Shirley Manson, de Garbage, ou l'art d'arpenter une scène. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

Durant un festival comme Osheaga qui regroupe plus de 150 groupes ou artistes en trois jours, tu ne peux adhérer à tous les genres. Et quand la deuxième journée est encore plus caniculaire et étouffante que celle de la veille, c’est le temps de faire des choix ciblés.

Par Philippe Rezzonico

Ça tombait plutôt bien. Tout ceux et celles que je voulais voir étaient groupés dans un bloc d’une durée d’environ cinq heures. Pas besoin de se pointer au moment où le soleil de plomb est à son paroxysme…

Remarquez, le soleil était encore bien haut quand Plants and Animals chauffait la scène de la Rivière. Chaque fois que je vois le band de Montréal sur scène, je me dis que sa puissance de frappe scénique est royalement supérieure à sa mouture studio. Vous me direz que c’est vrai avec la plupart des groupes, mais de par la nature de la musique étoffée de Warren Spicer, Matthew Woodley et Nicolas Basque, ça m’impressionne chaque fois. Bonne entrée en matière.

Plants and Animals. De l'énergie à revendre. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry.

En face de la scène Verte, The Ravonnettes n’avait pas droit au même bain de foule que Of Monsters and Men vendredi, à peu près à la même heure. Le duo danois de Sune Rose Wagner et Sharin Foo – accompagné d’un batteur – possède toujours cette signature sonore si particulière liée à ses guitares, qui verse autant dans le rétro que l’indie. Je ne sais trop si c’est le soleil, mais on les a néanmoins vus plus mordants que ça. D’autant plus que je cherche encore à comprendre pourquoi ils ont joué 30, 35 minutes alors qu’ils avaient une case horaire de 45 minutes.

Même réflexion en finale de Dumas. Dans son cas, je ne sais trop à quel heure le Québécois a amorcé son set, mais il a conclu cinq minutes avant la fin. Peut-être était-ce le port du veston pour lui et son guitariste Jocelyn Tellier. Très joli, mais à plus de 30 Celsius – sans compter l’humidité -, ça ne devait pas être très confortable.

Jocelyn Tellier et Dumas: des costards à 30 Celsius. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry.

La déception, s’il devait en avoir une, n’est toutefois pas d’ordre musical. Sur ce plan, Dumas est toujours constant. Est-ce parce que les amateurs se massaient du côté de la scène de la Montagne pour être plus près des gars de Brand New qui allaient suivre? Je ne sais pas, mais Dumas a attiré nettement moins de monde devant sa scène qu’il ne l’avait fait à Osheaga il y a quatre ans.

Brand New, contrairement à ce que son nom indique, a déjà plus d’une décennie de millage. On s’en douterait presque uniquement en raison des influences du band (Soundgarden, Alice In Chains) et de la tenue vestimentaire du chanteur guitariste Jesse Lacey qui portait une chemise à carreaux multicolore qui semblait dater de l’ère grunge.

Robustesse dans le son, cri pas loin d’être primal dans le verbe : Brand New possède cette capacité d’équilibrer sa hargne et ses déceptions avec une livraison pas dénudée d’apport mélodique. Très bon.

Jesse Lacey, de Brand New. Une pièce d'homme. Un cri primal. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry.

Incendiaire Shirley

Évidemment, j’ai écouté Brand New en demeurant devant la scène de la Rivière, tout à côté, pour être aux premières loges pour l’arrivée de Garbage. Nostalgie, il est vrai. Mais aussi parce que les échos des retrouvailles entre Shirley Manson, Butch Vig, Steve Marker et Duke Erikson étaient plus que positifs.

Dès le groupe est arrivé sur scène pour interpréter Automatic System Habit, on a su que la rousse n’avait rien perdu de son panache : mains sur les hanches, démarche assurée, regard frondeur, aguichante, sexy et sensuelle, Manson avait l’allure de quelqu’un qui semblait dire : « Je vais vous croquer ».

Vous avez dit attirante? Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

Et c’est ce qu’elle a fait. Frétillante durant I Think I’m Paranoid et touchante en finale de Special quand elle a rajouté un bout de I Go To Sleep, des Pretenders, elle s’est couchée sur le dos pour l’interprétation de Why Do You Love Me. En feu, la dame.

Elle a évoqué à quel point elle avait reçu des témoignages de Québécois qui attendaient le retour du band après huit ans d’absence. Band qui n’a jamais mis le pied sur le frein en 60 minutes. Intense, fougueuse et attirante comme pas une, Manson a demandé au « Monsieur de la sécurité » de lui remettre la « lettre pour moi » que lui offrait une spectatrice. Tout ça, en français dans le texte.

Déchirante avec # 1 Crush et sa phrase répétitive « I Would Die For You », Manson a chanté Queer comme si nous étions dans le Spectrum durant les années 1990, a fait trembler la scène avec des versions dynamitées de Vow et Push It et a varié les tempos pour Only Happy When It Rains, l’amorçant en douce avant de la propulser dans la stratosphère.

Derrière elle et à ses côtés, ses boys mettaient toute la gomme comme s’ils avaient encore 25 ans. Maintenant dans la mi-quarantaine, Shirley Manson pourrait écrire un livre sur l’art de posséder la scène. Transcendant.

La rockeuse Feist

Je m’attendais à beaucoup moins de Feist qui suivait, uniquement en raison du type de chansons qui figurent sur son plus récent disque. J’étais dans l’erreur. La Canadienne n’a pas oublié qu’elle jouait dans le cadre d’un festival qui accueillait encore 40, 000 personnes.

Guitare bien en mains, la grande brune a annoncé la couleur avec des offrandes bien senties de A Commotion et How Come You Never Go There. Le ton était donné. Flanquée d’un trio de choristes qui donnait du tonus à ses livraisons, Feist ne s’est pas privée de demander à la foule de chanter les refrains de ses chansons, ce que les fans faisaient, de toutes façons.

Feist était en mode rock à Osheaga. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry.

On voit plein de choses curieuses à Osheaga ce week-end. Mais la remise d’un palmier dans un pot à Feist de la part d’un spectateur durant Graveyard…. Ça, c’était vraiment hors normes.

En forme, en voix et en excellente dispositions – avec Feist, on ne sait jamais -, la belle Leslie avait aussi un band à instrumentation étendue. Les guitares, les tambours, le vibraphone et tout le reste lors de The Bad In Each Other et Sea Lion, ça valait le détour.

Et c’est là que j’ai tiré ma révérence… Et Snoop Dogg – ou Snoop Lion -, vous dites ? Voyez-vous, un vieux routier comme moi était sûr d’un truc (peu importe l’explication officielle) : Jamais au grand jamais, l’ami Snoop n’allait monter à l’heure sur scène.

Il paraît que ce fut 45 minutes de retard. J’avais déjà franchi deux ponts…