Un soleil aussi éclatant que brûlant, plein de bonne musique et une foule monstre qui a un tantinet cherché ses repères sur un site réaménagé : la toute première «salle comble» de l’histoire du festival Osheaga aura été satisfaisante à plus d’un égard, vendredi, mais il fallait faire preuve de patience.
Par Philippe Rezzonico
Dans le métro, déjà. Vers 14h30. Bouchon dans le couloir d’accès pour la rame de la ligne jaune. Agents de sécurité. Policiers. Bon encadrement et bonne fluidité malgré tout. Suis arrivé sur le site du parc Jean-Drapeau 30 minutes plus tard pour un trajet qui en prend normalement dix.
C’était un signe de ce qui allait suivre. Loin, étaient-elles, les premières années du festival, quand une foule de 10, 000 spectateurs sauvait les meubles pour les organisateurs et qu’on se déplaçait d’une scène à l’autre en cinq minutes. La journée de vendredi affichait complet depuis la veille : 40, 000 festivaliers sur le site. Deux Centre Bell bien pleins.
Malgré la cohue qui grandissait d’heure en heure, l’humeur était au beau fixe, comme le mercure. Pas vraiment de changement du côté des deux grandes scènes principales, sinon qu’il y avait à 15 heures le genre de foule qu’on voyait à 19 heures lors d’un récent passé.
Bonne idée d’avoir déplacé les kiosques de bouffe qui bordaient la scène de la Montagne. Bien plus d’espace dans ce coin-là. Et, tiens… On a même repéré un stand de pâtes fraîches. On verra ça de plus près ce week-end…
La nouvelle aire
En direction de la scène du Piknic électronik, on croise la Brigade du bonheur. Fallait voir le jeune qui tentait de convaincre une festivalière qu’un coupon rabais de 20 $ de chez Subway – si j’ai bien entendu – était idéal pour quiconque se trouve une « date » sur le site d’Osheaga. Il a de l’avenir dans la vente au détail, celui-là.
Plus populaire encore, était la jolie fille au chapeau de paille qui distribuait gratuitement le rhum cola de Bacardi. J’ai vu un type qui, comme dans une bande dessinée, est repassé aussitôt derrière trois d’entre nous pour avoir illico une autre rasade.
C’est dans ce coin-là qu’on a pris la mesure de la nouvelle scène des Arbres alors que les Américains de Freelance Whales nous offraient leur rock-folk alternatif mâtiné de banjo et glokenspiel. Le coin est presque bucolique et l’aménagement surpasse de loin le précédent, qui n’offrait pas une très bonne vue sur les artistes.
En arrivant à la nouvelle scène Verte installée tout au bout du site, on tombe sous le charme : pelouse en légère pente vers la scène, capacité approximative de 10, 000 spectateurs… et kiosque où l’on vend des fruits. Sérieux. Des bleuets et des fraises. Bon, une douzaine de fraises pour 5 $, ce n’est pas donné, mais c’est parfait alors que Bombay Bicycle Club nous chante I’m Not Home. Et puis, les fraises sont moins chères qu’à Wimbledon et ça change des hot-dogs.
Durant le set impeccable des Islandais de Of Monsters and Men, je me disais que ça n’avait aucun sens à quel point le son était im-pec-ca-ble. Je me disais aussi que ça avait peut-être un lien avec le commanditaire de la scène Verte (Sennheiser) et c’est effectivement le cas. Des gens de la compagnie m’ont expliqué ça en long et en large sur leur terrasse où ils avaient invité des journalistes. On apprécié le houblon, mais nous étions surtout reconnaissant pour le toit. Le soleil tapait dur, à ce moment.
Ça n’a pas empêché la foule d’être fort réceptive aux excellentes compositions du groupe de Nanna Bryndís Hilmarsdóttir et Ragnar þórhallsson, notamment Little Talks, révélée sur les ondes des radios étudiantes de tous pays. La voix de Hilmarsdóttir était bien nette, tandis que l’accordéon et la trompette coloraient les offrandes de belle façon.
Congestion
Le retour en direction de l’aire principale fut toutefois moins aisé. Deux ponts métalliques permettent désormais d’accéder aux scènes des Arbres et Verte. Et comme tout les ponts de la grande région métropolitaine, ils étaient congestionnés. Et ils le seront encore quand une grosse pointure jouera sur le scène Verte.
Nous avons mis 25 minutes pour revenir à la scène de la Rivière pour voir Franz Ferdinand. Nous n’étions pas pressés, mais comme les horaires sont serrés et que certains groupes ont une plage horaire qui se chevauche, il ne faut plus penser qu’on mettra quelques minutes pour se déplacer. Un pote qui était à MGMT en fin de soirée et que j’ai croisé durant le set de Justice a eu toutes les misères du monde à revenir de ce coin-là.
C’est la rançon de la gloire pour le festival Osheaga mais il faudra s’ajuster avec The Jesus and Mary Chain qui joue sur la scène Verte samedi, ainsi que les Britannique de Bloc Party et les Français de M83, dimanche.
A fond la caisse
Franz Ferdinand, disais-je. Les Écossais ont lessivé la place avec l’une des prestations les plus furieuses jamais vues depuis qu’ils passent par Montréal. Tout rentrait au poste comme une tonne de briques, de No You Girls à Take Me Out en passant par Do You Want To et This Fire. Alex Kapranos – avec sa nouvelle moustache – et ses collègues étaient en feu. Et dans le coin où nous nous trouvions, ça dansait sans retenue. Fort.
Ce n’était pas le cas pour The Weeknd. Coincé dans la foule dans l’attente de Florence + The Machine, j’ai dû me farcir le set complet du Canadien Alex Tesfaye. Le jeune homme a un talent fou et fait preuve d’une réelle originalité, mais après un set dynamité comme celui de FF, c’était un véritable désamorçage. Un autre jour, dans de meilleures conditions, peut-être…
La belle Florence, elle, a mis tout le monde dans sa poche. Je l’attendais passive sur scène – j’ai raté sa précédente tournée -, elle fut au contraire intense, bavarde, habitée et complètement en phase avec son public.
A sa demande, des dizaines de jeunes femmes se sont retrouvées sur les épaules de leur chum, amant, copain ou conjoint pour Rabbit Heart. Superbe image dans un parterre tassé comme celui du parc Jean-Drapeau où les fans sont douchés périodiquement à grande eau à cause de la chaleur.
A la suite de sa livraison de Spectrum, elle a noté qu’elle venait de voir « un hologramme d’elle-même ». On a déjà connu plus modeste, mais bon… Durant Never Let Me Go, la proverbiale vague de mains de la foule était bien synchronisée. Et quand Dog Days Are Over, a été interprétée, ce fut tout simple : Florence virevoltait et sautillait sur scène, alors qu’à perte de vue, tout ce qui est humain faisait de même. Il s’est vraiment passé quelque chose.
Et on remet ça demain. Il reste d’ailleurs quelques billets. Mais dimanche, c’est complet.