Osheaga, Jour 3 : communion, légendes, records et palmarès

Mumford & Sons. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

C’est au moment où Mumford & Sons a interprété son tube planétaire I Will Wait, dimanche soir, que je me suis retourné pour voir la réaction de la foule et que j’ai réalisé que le parc Jean-Drapeau affichait complet pour cette dernière soirée du festival Osheaga.

Par Philippe Rezzonico

Quelle image! Je n’avais jamais vu autant de monde sur le site depuis les débuts en 2006 et je me disais qu’il y en avait autant qu’à Metallica, en 2003, quand 43 000 fans étaient sur place. Sans surprise, le promoteur evenko a confirmé le chiffre de135 000 entrées pour la durée du festival, une marque qui éclipse le record de 120 000 de l’an dernier.

Des marées humaines, ça change drôlement l’effet qu’un spectacle vous procure. Durant tout le long de la prestation de Mumford & Sons, je me disais que cette soirée sera pour eux l’équivalent du passage de Emerson Lake and Palmer au Stade olympique dans les années 1970.

Mumford & Sons. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

De Genesis à Mumford & Sons, tout en passant par The Police, les Backstreet Boys et U2, Montréal a le don d’adopter des groupes, corps et âme. Remarquez, il n’aura pas fallu attendre M&S pour vibrer de cette façon.

Tout juste avant eux, les vieux routiers de New Order, dont certains membres faisaient partie d’un autre groupe de légende nommé Joy Division, sont venus nous rappeler pourquoi New Order a été un phare d’un nouveau courant musical au début des années 1980.

Bernad Sumner, de New Order. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

Il fallait surtout voir le chanteur Bernard Sumner saluer la foule sans sourire, de façon un peu froide, dès son entrée en scène, et de le voir quitter, sourire éclatant aux lèvres, après avoir souligné deux fois plutôt qu’une l’accueil délirant des festivaliers avec un « Cheers!!! » retentissant.

Entre les deux, New Order nous a bombardé de classiques qui ont rallié toutes les générations: Ceremony, Bizarre Love Triangle et True Faith, notamment, ont bâti en puissance un crescendo qui a atteint son paroxysme avec Blue Monday, qui a fait l’effet d’une bombe atomique. Le parc Jean-Drapeau n’était plus qu’un immense plancher de danse.

De plus, New Order avait apporté une foule de projections. Celles durant Your Silent Face (magnifiques images de paysages et d’océans majestueux) étaient aussi pertinentes que celles durant Atmosphere, de Joy Division, quand on voyait des moines transporter un cadre photo d’Ian Curtis, le chanteur suicidé.

New Order et ses projections. Photo courtoisie enveko/Pat Beaudry

Il ne restait qu’à boucler avec Shadowplay et l’immortelle Love Will Tear Us Apart, dont le titre défilait en lettres géantes sur l’écran. Géant, en effet.

Parmi les autres artistes qui ont retenu notre attention, on ne peut passer sous silence Charles Bradley, un rare survivant d’une lignée de chanteurs soul (Ray Charles, Sam Cooke, James Brown) que les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas eu la chance de voir sur scène. Mais ces jeunes, ils connaissent Bruno Mars et ils formaient le gros du contingent de fans massés à l’avant-scène pour voir Bradley.

Ce dernier les a séduit avec sa puissance vocale – il n’y a plus personne qui scream comme ça -, ses pas de danse similaires à Brown et son élasticité incroyable : debout, à genoux et couché sur scène, ce fut le triomphe. Au point que Bradley a terminé son set au parterre, après avoir serré la main à des dizaines de fans.

Charles Bradley. Photo courtoisie evenko/Pat Beaudry

Sur la scène verte, Father John Misty a séduit. Séduit surtout ces dames, il faut avouer. Father John Misty, c’est l’Américain Joshua Tillman, l’ancien batteur des Fleet Foxes. C’est surtout un type qui pourrait être le sosie ou le frère jumeau de Jim Morrison, du temps où le roi lézard portait la barbe.

Et les comparaisons ne s’arrêtent pas là. Tillman a une voix moins puissante que Morrison, mais il a une présence de scène, un charisme et un humour…tout droit sorti des années 1960. Remarquez, je présume qu’un tel beau bonhomme peut tout se permettre, mais dire qu’il aimerait voir les magnifiques « poupounes » («babes») francophones envahir son pays, c’est discutable.

Father John Misty. Photo courtoisie evenko/Tim Snow

En revanche, la musique de Father John Misty a peu à voir avec celle des Doors, quoique la dernière pièce était plutôt dangereuse. On aurait l’occasion de le revoir à l’automne à Montréal.

On vous laisse sur le palmarès de Rue Rezzonico après 24 spectacles et au moins autant d’heures passées sur le site durant le week-end.

Le carré d’as: Beck, The Cure, Jake Bugg et New Order.

Le show nostalgie : The Breeders, qui ont joué Last Splash intégralement.

Les révélations: Oberhofer, Image Dragons et The Head and the Heart.

Les persévérants : la bande de Silversun Pickups qui n’a jamais mis le pied sur le frein, dimanche, malgré un sérieux orage.

Les déjantés : Palma Violets, ou redonner du sens au mot chaos dans le rock n’ roll.

La mauvaise idée: couper l’alimentation sonore à The Cure quand il leur reste une minute pour terminer Boys Don’t Cry.

La bonne idée: couper l’alimentation sonore à Tricky qui ne voulait plus s’en aller.

Le bonnet d’âne : k-os, qui quitte la scène après quelques minutes, vendredi.

Les bavards : Macklemore et Kendrick Lamar. Messieurs, vous avez du talent. Démontrez-le au lieu de passer le tiers de votre temps de scène à parler pour ne rien dire.

Les tendances mode : les fleurs dans les cheveux pour les filles et la casquette blanche de capitaine avec cordelettes dorées. Ma mère m’avait acheté exactement la même à l’âge de six ans… La vie est un cycle.

Les félicitations : aux festivaliers. Être plus de 40 000 personnes ensemble sur un site au quotidien et partager l’espace sans heurts et dans la bonne humeur, c’est précieux.