Philippe B: alchimiste des temps modernes

Philippe B et le Quatuor Molinari présenteront l'intégrale des Variations fantômes, vendredi, au Conservatoire. Photo courtoisie Montréal en lumière.

C’était à L’Astral, en novembre. Philippe B se produisait en programme double avec la Française L dans le cadre du Coup de cœur francophone. En toute franchise, des tas de gens étaient là surtout pour lui et pour entendre une poignée de compositions de Variations fantômes. J’en ai assez entendu pour me dire que l’interprétation intégrale du disque avec le Quatuor Mollinari prévue au festival Montréal en lumière risquait d’être du tonnerre. Je ne dois pas être le seul. Philippe B et ses amis proposent deux concerts, vendredi, au Conservatoire.

Par Philippe Rezzonico

Variations fantômes, c’est le cas classique du disque encensé par la critique, mais méconnu du grand public. Pas si rare, en vérité. Sauf qu’il est rarissime qu’un disque plébiscité par les journalistes spécialisés se retrouve au sommet de presque toutes les listes de meilleurs disques de fin d’année. Pas en sixième ou en huitième position. Non. Toujours, parmi les trois premiers de 2011. Partout.

«On a rallié une large critique, admet Philippe B. Les listes de fin d’année nous ont aidé. Je suis comme tout le monde. A la fin de l’année, je regarde les listes, et puis, je vois dans le Top 5 de Pitchwork par exemple, qu’il me manque un album. Je vais alors l’écouter.

«Le public, lui, on continue à le rejoindre à chaque spectacle. Même à petite échelle, on est en position de briser ce plafond de verre. Chaque disque vendu permet d’en vendre un autre.»

Variations fantômes est un beau cas d’espèces. A priori, le disque ne semble pas à la portée de toutes les oreilles en raison de la structure sur lequel il repose, à savoir, des chansons folk le plus souvent nappées d’échantillonnages de musique classique d’œuvres de Vivaldi, Schubert et Tchaïkovski reposant sur des cordes. Et pourtant, ça demeure étonnamment accessible et ça s’écoute de façon délectable d’un bout à l’autre. Réussite totale, tant au plan de l’originalité de la proposition que de la maîtrise des styles.

L’intérêt du concept

«Entre la substance et un angle original, je cherchais quelque chose qui serait intéressant à faire pour moi et dont le concept serait aussi intéressant pour l’auditeur», note celui qu’on a connu dans une autre vie – alors qu’il était l’un des créateurs de Gwenwed -, avant qu’on le voie à répétition en qualité de guitariste auprès de Pierre Lapointe.

«Il fallait lier la sauce, donner un sens à tout ça, poursuit Philippe B. J’ai pris un pari avec cette thématique poétique. Il y a un esprit de cohésion, une alchimie sonore et des sonorités qui appellent au romantisme.»

– En écoutant cet amalgame sonore, on se dit que vous pourriez lier le classique à d’autres genres, comme le jazz ou le blues ?

«Oui. Peut-être… Pour le jazz, il faudrait trouver un angle pour toutes les pièces. Il y a beaucoup d’improvisation. Je suis plus proche du blues. Mais est-ce que je veux prendre cette direction-là ? Je ne sais pas encore, mais je ne pense pas que je referai un autre disque comme celui-là.»

Raison de plus pour assister à l’une ou l’autre des deux représentations (20 et 23 heures) prévues au Conservatoire de musique de Montréal. Du moins, si vous avez déjà vos billets en mains… Deux performances le même soir, ça aussi, c’est plutôt inusité.

«Je pense qu’il va y avoir plus de suspense avant le premier concert, note Philippe B. Plus de nervosité, aussi. Mais je ne suis pas trop inquiet au niveau sportif, si je peux dire. On fait deux spectacles, mais on parle d’une performance d’environ une heure et quart pour l’intégrale du disque.»

L’intérêt tiendra beaucoup au fait que les échantillonnages entendus sur l’album seront ici recréés par le Quatuor Molinari et par un orchestre de chambre qui comptera hautbois, harpe, trombone, contrebasse, flûte et percussions.

«Ça, j’y tenais. C’était ça, le phantasme. Recréer tout le disque avec des instruments vivants».

Artiste multi-tâches

Philippe B est l’archétype du chanteur, compositeur, auteur et musicien du XXIe siècle. Parfois maître de son propre destin, tantôt occupé à composer pour d’autres, et souvent réquisitionné par ses pairs en qualité d’accompagnateur. Une situation – s’il est toujours un tantinet incertaine – qui le sert bien.

«Quand tu ne fais pas que des choses pour toi, ça permet d’éviter une certaine forme de nombrilisme, dit-il. Quand tu fais des collaborations, quand tu crées des affaires pour quelqu’un d’autre, tu touches d’autres mondes de création et ça permet d’avoir un regard extérieur sur ta propre création. Je trouve ça extrêmement sain et ça permet de te changer les idées.»

Philippe B et le Quatuor Molinari, L’intégrale des Variations fantômes, au Conservatoire de musique de Montréal, 20 et 23 heures, dans le cadre du Festival Montréal en lumière.